Page 6 - Edition novembre 2019
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Le songe d'une vie éteinte
En ce début de mois de juil- let, la chaleur extérieure égalait celle d’un jour d’hiver af-
ricain. Pourtant, mon cœur était plein de glace face à ELLE. Celle qui m’avait donné la vie avant de me la reprendre. Mes émo- tions se bousculaient à travers mes entrailles prêtes à exploser, je réunissais toutes les palettes d’agitation dans mon seul corps d’adolescente en ébullition.
D’un coup je me suis vue courir, courir de façon mé- canique, sans même entendre
chaque bouchée d’air. Je courais sans savoir où j’allais me rendre, ni même si j’y parviendrais, à
ce but indéterminé. Je courais sans même me souvenir de la raison qui m’avait poussée à fuir, si loin, si vite. J’avais l’impres- sion de m’être réveillée après un cauchemar dont je n’aurait pas eu souvenir, après une épreuve si intense que ma conscience aurait préféré l’ignorer.
Dans ma course, j’ai remarqué un arbre au loin, un énorme chêne dominant la colline que
je grimpais avec ferveur. C’est là que je déciderai de me restrein- dre, de vider mes stigmates in- ternes. Cet endroit avait quelque
chose d’irréel, comme un arrêt dans une toile de Goya. Une noirceur orangée et enivrante pesait dans l’atmosphère. Néan- moins, je sentais l’apaisement de ma respiration. Et, comme pour être certaine que la vie m’abritait encore, je caressais ma poitrine pour sentir les battements sous-jacents. Je me réjouissais de me sentir en vie, sans vraiment comprendre cet enthousiasme.
Il était temps de saisir, d’inter- préter les raisons qui m’avaient poussé à LA fuir, encore. Ça ne faisait, pourtant, qu’une énième fois que le scandale se repro- duisait. Mais j’aimais analyser, pour réussir à conclure de mon innocence. Je me voyais dans mes songes, criant, hurlant à en devenir indécente. Je LA voyais pleurer, injurier et tenter de m’emprisonner dans une menace sentimentale profonde. ELLE savait qu’il serait simple de me retenir, je n’aurais pas résisté
à cette facilité. Je retenais mes larmes dans ma gorge pour que
mais je sentais mes pupilles se
décidé de m’exiler. Je compre- nais maintenant ma course, ma vitesse était la matérialisation de ma fuite.
Mes forces m’abandonnaient alors. Mes pupilles luttaient encore, mais cette fois pour que je les laisse en paix. Je ressen-
comme celui de m’éteindre en attendant ma résurrection. Il fallait que j’arrête de contrarier ma conscience, que je la laisse me guider à travers ce sommeil
n’était donc qu’un rêve, un cau- chemar dont ELLE était encore la principale protagoniste. ELLE, ma peur, mon angoisse, mon épouvante. Je mis un moment avant de me rappeler que cette vie était révolue depuis presque dix ans maintenant. D’un coup je me souvins de ce que j’avais réal- isé, de ce que j’avais construit. Il fallait que je me retourne, que je
à toi seul tu évoquais tout mon parcours. Et c’est là que je t’ai vu, allongé nu dans une position à faire rougir les plus farouches. Ta peau, il m’a fallu la toucher pour ressentir tout l’amour que ta présence me procurait. C’est bon, je peux me rendormir, ELLE est loin, et mon monde est à côté de moi.
Jelega