Page 15 - Edition novembre 2019
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De l’art d’aimer l’art
On peut dire que l’on aime quelque chose
pourquoi. Souvent les mots manquent pour expliquer ce qui nous fascine et nous subjugue. On reste bouche bée devant certains tableaux. On s’exclame à la
le sujet. Les discussions de couloir sont peu propices à approfondir les débats. Essayons donc de comprendre
d’autres nous bouleversent, pourquoi cette chanson fait partie de nos préférées et que nous pouvons l’écouter en
boucle sans lassitude, la chanter à tue-tête sans ennui.
- position avec le goût savant, représentation d’une cul- ture pédante qui réduit l’art à des règles strictes, alors
nous charme”. C’est ce que Longin appelait “le sublime”. Il était donc évident pour eux que l’art théâtral devait procéder à une séduction : celle du public.
Quatre siècles plus tard, ce public est devenu très ex- igeant. Il ne veut pas d’une BD esthétique mais vide de sens ou d’une chanson poignante mais qui nous casse les oreilles. L’art qui nous séduit est aussi beau à l’oreille qu’insaisissable à l’esprit. Il interpelle notre regard sans nous laisser trop en voir. Dans cet équilibre entre beauté
et sens, l’artiste est un funambule qui choisira précisé- ment où il pose le pied. Virtuose, il décidera de chaque détail pour qu’au moins une personne y soit sensible.
belle tenue, une oeuvre tente d’attirer l’attention par des détails. Elle fera les beaux yeux, placera quelques blagues et quelques moqueries pour nous arracher un sourire.
de nos peurs et de nos espoirs. Après tout, les émotions que nous ressentons devant un livre ou un dessin sont personnelles. Et ce sont précisément ces attentions qui peuvent nous charmer.
Si dans une relation amoureuse, notre partenaire nous a conquis par sa persévérance (ce qui constitue une
considérer qu’une oeuvre n’est jamais plus belle à nos
pendant leur salut dans un tonnerre d’applaudissement, nous témoignons d’une certaine reconnaissance envers ces artistes qui ont travaillé pour exprimer tout haut ce que nous pensions bas, et que nous aurions eu du mal à formuler avec autant d’élégance.
une forme de gratitude ?
Octave Berne