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\Ä °àt|à âÇx yÉ|á bÜtÇ Lundi 22 Avril 2019
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(PARTIE 6)
70e anniversaire de l’attaque de la poste centrale d’Oran
L’histoire d’une plaque commémorative
TÉMOIGNAGE DE M’HAMMED YOUSFI,
ANCIEN MILITANT DU PPA-MTLD ET HISTORIEN
Auteur de « L’Algérie en marche », M’hammed Yousfi relate, dans le tome I, ce qui suit :
« Jour après jour, Le M.T.L.D. ne semblait pas plus soucieux de vouloir réajuster objectivement le budget alloué à l’O.S., si nécessaire pour‐
tant à ses besoins de fonctionnement et d’équipement paramilitaire. Or, le laisser faire, c’était à la fois contrarier les objectifs révolution‐
naires et aggraver la situation financière de l’Organisation.
M.H l’opération. Tous recherchés Blessés dans leur orgueil, les
eules des arrière-pen- par la police et membres du hommes ressentirent une pro-
sées pouvaient donc réseau de complicité, ils de- fonde peine de s’être décou-
Spousser le mouvement viendront plus tard des com- verts à « froid ». On décida de
à réduire la subvention et la battants de l’A.L.N. recommencer : même groupe,
réduire précisément au fur et à Tous ces hommes acceptaient même heure, même objectif.
mesure que l’O.S. prenait de la grande consigne répétée à Cette fois, le commando était
l’importance. Mais ce procédé chacun : interdiction absolue condamné à réussir. A force
cachait mal la volonté de frei- d’user de son arme. Le chauf- d’attention et de répétitions,
nage qui prévalait au niveau feur Khiter devait se retrouver l’équipe maîtrisa point par
du Bureau politique du non loin du caissier et retenir point le dispositif.
M.T.L.D. l’attention de l’agent du gui-
Devant ces velléités de « do- chet des télégrammes en lui Les trois coups furent
mestication », il restait à l’O.S. présentant un long message donnés, le rideau se leva
de compter sur ses propres rédigé en anglais, préparé par à Oran.
forces et d’opérer à son Aït Ahmed pour la circons-
compte plutôt que de se lais- tance. Mais au jour J du 6 mars 5 avril, 0 heure, Aït Ahmed et
ser en position de « pupille » 1949, le plan tomba à plat. Hadad Amar dit « yeux bleus »
en face du mouvement. C’était l’échec, l’échec dû (qui se présentèrent chez un mé-
Comme un fait du hasard, l’Or- l’eut cru !) à une vulgaire decin qui s’empressa plus tôt
ganisation tenait la solution panne sèche du taxi, Ford-Ve- que prévu d’être au rendez-
de son autofinancement grâce dette, réquisitionné pour vous. Reconnu, le commando
à la liste des grands établisse- l’opération. Le véhicule, pro- s’empara du docteur et la Trac-
ments publics qu’elle avait éta- priété de l’Oranais Ben Frihi, tion-avant démarra. On libéra
blie. Et, le choix qui restait à était conduit, ce jour-là, par un plus loin en pleine nature
tion dans le bureau de poste. nom de « Kobus », d’achemi-
faire était la grande Poste certain Belaïd, le doubleur as- l’otage qui resta sous la sur-
L’O.S. s’annonçait. C’était le ner la seconde tranche et l’ar-
d’Oran. surant le service de nuit. Après veillance de Benzerga.
face à face. Le caissier, un cer- mement ayant servi au
Nemiche Djelloul, agent des l’avoir neutralisé, un membre Aux premiers lueurs du jour, la
tain Barraut, sommé de lever commando. Le responsable
P.T.T. de cette ville, rapporta à du groupe de choc prit le vo- Citroën 11 légère s’engouffra,
les bras, un instant médusé, des affaires militaires refusa au
Ben Bella et à M.Yousfi, en mis- lant et roula toute la nuit souple et sûre, dans la rue Al-
tarde à obéir. Souidani, d’un grand étonnement de tous.
sion à Oran, tous les rensei- jusqu’au matin, 6 heures, sace-Loraine. Puis, dans un ra-
coup de crosse convaincant, Belhadj venait, par ce geste in-
gnements nécessaires au heure à laquelle le commando lenti qui préludait au
l’assomma. Le groupe s’em- qualifiable, de rejoindre sans
déclenchement du raid. devait se porter à proximité du suspense, la Traction gémit
para vite de l’argent étalé sur s’en douter le clan de la trahi-
L’Etat-major général de l’O.S., bâtiment de la grande poste, faiblement et s’immobilisa. 6
la table. La couverture était as- son. La mission échut à M.
pleinement informé et prêt à donner l’assaut à 6 avril, 6 heures. L’immeuble
surée, près de l’ascenseur, par Yousfi. L’ironie du sort voulut
convaincu de la possibilité de heures 25. Ce fut peu avant 6 était là, leur faisant face.
Lourguioui Rabah. Au repli du que, pour alléger le charge-
l’opération, donna son aval. heures que l’insolite survint. Le Quelques lumières tremblo-
commando, le caissier se res- ment, le responsable des ser-
Pour mieux faire, Nemiche moteur cala. Le groupe des- taient à l’étage du service du
saisit, soupirant dans le dos vices généraux désigna Issa
Djelloul était invité à rejoindre cendit de la Ford-Vedette et la tri , de rares ombres glissaient
des hommes qui l’attaquèrent, Mokrane (militant sûr), com-
normalement son bureau de poussa afin de la remettre en derrière les vitres et s’effa-
heureux d’être en vie, avant de merçant à Oran, et le chargea
service des P.T.T. Aït Ahmed marche. Hélas ! sans résultat, çaient.Les hommes de choc
s’époumoner à lancer l’alerte. de convertir en grosses cou-
était désigné par l’Etat-Major le commando avait déjà 15 (Bouchaïb, Souidani et Had-
6 heures trente, au dehors, le pures le restant des fonds. Une
pour former le commando minutes de retard sur l’heure dad) se reprirent, s’observè-
jour naissait pour l’O.S. par partie fut convertie à la
composé de Bouchaïb, Soui- arrêtée pour l’opération. Trop rent, le regard chargé de cette
une victoire. Bilan du raid : 3 banque et l’autre à la grande
dani, Hadad Amar dit « yeux tard, c’était l’impasse. Tout lourde fraternité nouée dans la
millions 170.000 francs de poste. L’alerte donnée, la di-
bleus », Lourguioui Rabah, était remis en cause. vie clandestine et qu’ils res-
1949. Aussitôt l’O.S. chargea version de l’O.S. bouleversait
Benzerga et Khiter (à ne pas Un second échec risquait de sentirent au seuil des grandes
cette fois Mohamed Khider de pendant quelque temps
confondre avec Mohamed Khi- compromettre encore une actions. Chacun prépara ses
l’acheminement des fonds. Le toutes les hypothèses.
der, député M.T.L.D. à l’Assem- fois les tentatives de ces sol- gestes. Les portes du véhicule
repli du butin devait se faire en La presse y alla de ses tirages
blée nationale française, que dats de l’ombre. Et, si le pire se refermèrent en silence. Trois
deux temps. Le député M.T.L.D. les plus fantastiques. La police,
l’on retrouvera à la seconde survenait… Ce serait le dé- silhouettes viriles finirent par
ne consentit à prendre que les en veine d’extrapolations pro-
phase). Hamou Boutlelis était mantèlement de l’Organisa- se profiler dans le petit matin.
grosses coupures, le reste qui fessionnelles, vit dans la rapi-
chargé du gîte pour abriter les tion, l’arrestation de ses chefs, Leurs pas vigilants entamèrent
était important suivrait. dité du temps-chrono
hommes du commando et ca- le désarroi de son armée se- le parcours. 6 heures 25, c’était
L’organisation donna, à cet d’intervention un exploi (sic)
cher les fonds, ainsi que l’ar- crète, sans compter la satisfac- le déclic. La mécanique se li-
effet, ordre à Belhadj Abdelka- signé «Pierrot le fou».
mement qui devait servir à tion morbide de l’ennemi. béra. Le commando fit irrup-
der, connu plus tard sous le …à suivre