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CÉLÉBRITÉS
ET BAGAGES PERSONNALISÉS CHEZ VUITTON
L’histoire dure depuis 1869, quand Ismaïl Pacha, le régent d’Egypte de passage à Paris, demande à Louis Vuitton de créer un bagage permettant de transporter des fruits sous le soleil. Mêlant ingéniosité et élégance, la « malle à clayettes » était née. Au
XXe siècle, de nombreux élégants – acteurs, membres du gotha, artistes ou mondains – commandent à Vuitton une « malle spéciale ». Entendez, personnalisée. Parmi eux, Greta Garbo et sa malle à chaussures, Lauren Bacall et son set de « porte- habits », les peintres Matisse et Picabia ou encore Sacha Guitry et ses « wardrobes » (malles-cabines verticales dans lesquelles suspendre sa garde-robe). Correspondant étranger installé à Paris au milieu des années 20, Ernest Hemingway demande au malletier de transformer l’une de ses malles- bibliothèques a n d’y loger, non seulement des livres, mais aussi une machine
à écrire.
C’est au XVIe siècle qu’apparaissent les premières malles portables à dos d’homme et non plus de bête de somme. Des malles fabriquées par des compagnons malletiers dont les méthodes de travail pour assembler les bois, les cuivres et les cuirs sont encore en vigueur aujourd’hui. La valise, elle, naît avec la diligence du XVIIe siècle, moyen de transport qui connaît un grand essor jusqu’au début du XIXe. Dix-huit personnes... et leurs lourds bagages peuvent y prendre place. Le modèle le plus courant va de la caisse à poignées à la malle rustique en peau de truie ou recouverte de poils qui empêchent la pluie de s’in ltrer. Certaines malles ont des formes étranges pour épouser les lignes de la carrosserie ou servir d’appui-pied au cocher.
Dès la n du XVIIIe siècle, les voyages deviennent à la mode. Des explorateurs se lancent sur les chemins de l’univers. C’est la grande époque du voyage d’étude. De riches marchands et industriels arpentent les routes de l’aventure commerciale. Les rentiers découvrent le tourisme. Boulimie d’exotisme, balbutiements de l’ethnologie, le voyage est à l’honneur. Il faut un bagage fonctionnel à ces fortunés nomades. Echantillon de la chambre, prolongement de la salle de bains, semblant de bureau, coin d’armoire, résumé du foyer, on exige tout de son bagage. Il sera à la hauteur : le XIXe est son âge d’or.
C’est alors qu’un layetier comprend que le bagage doit répondre à de nouveaux impératifs. Les voyageurs deviennent de plus en plus nombreux et les transports se diversi ent. Depuis l’inauguration de la première ligne de chemin de fer, en 1837, le train ne cesse de se développer.
Cette idée de créer des bagages mieux adaptés aux nouvelles conditions et qui répondent aux désirs profonds de sa riche clientèle, notre artisan jurassien va la mettre en pratique. Avec une exigence de qualité qui redonnera au voyage une touche de noblesse et permettra à la marque de traverser le temps. Ses initiales ? LV. En 1854, Louis Vuitton, personnage bourru et obstiné, ouvre boutique à Paris. Son article vedette est une malle en peuplier, longue et légère, nie avec soin et recouverte d’une toile enduite grise, moins fragile que le cuir.
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