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ALAIN MABANCKOU
Alain Mabanckou ne passe pas inaperçu. Qui n’a vu à la télé ou sur les réseaux sociaux, cette haute silhouette, chapeau vissé sur le crâne, lunettes à bord doré et veste chatoyante ?
Son style est à l’image de son personnage, chaleureux, rieur et profond. Depuis le succès,
en 2005, de son chef d’œuvre, Verre Cassé, et le prix Renaudot attribué l’année suivante à Mémoires de porc-épic, l’écrivain poursuit une œuvre qui place l’Afrique au cœur
de romans aussi truculents qu’inattendus.
Alain Mabanckou, « Mab » pour les intimes, est venu au monde sur les rives d’un euve. Celui qui unit deux capitales siamoises d’Afrique centrale.
Il entre en littérature par la poésie, puis s’adonne à la prose pour, très vite, se ménager
Il a été également le premier écrivain et le premier Africain élu à la chaire de « création artistique » du Collège de France. Lors de sa leçon inaugurale, sa veste de velours bleu-roi, création de son styliste attitré Jocelyn le Bachelor,
a laissé dans les esprits la même empreinte que son propos, élevant la sape au rang qu’elle occupe désormais et exaltant l’amour de Mabanckou pour son Congo natal.
Mabanckou sapeur ? « Cela ne se déclare pas, dit-il. C’est une esthétique qui a permis aux Congolais, qui étaient exclus de la sphère politique, d’utiliser leur corps pour imposer et exprimer de nouvelles valeurs de société. C’est une créolisation de la mode occidentale. La sape peut être une forme de dissidence.»
LA SAPE, UNE FORME DE DISSIDENCE
une place de choix parmi les auteurs majeurs de ces dernières années.
Cet humaniste, armé d’une sensibilité aiguë, est animé
par la conviction de défendre des causes justes. Ses dons
de conteur, sa verve joyeuse,
ses récits qui allient le burlesque au pathétique, dans lesquels le politique voisine avec le populaire, lui valent les plus belles distinctions littéraires : Renaudot (évoqué plus haut), Prix Aliénor d’Aquitaine, prix des Cinq Continents de la Francophonie, prix Ouest- France/Etonnants Voyageurs, Grand prix littéraire de l’Afrique noire, Prix Jean-Christophe de la Société des poètes français...
Cette reconnaissance
du monde des lettres lui vaut celle des cercles universitaires. Alain Mabanckou est aujourd’hui titulaire d’une chaire à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).
La légende af rme qu’un certain André Matsoua, de retour de Paris habillé par les plus grands couturiers parisiens, t courir d’envie tous les jeunes de la capitale congolaise. Depuis lors, la sape est une religion à Brazzaville, une manière d’être, une philosophie de vie, un art de se déployer dans le monde. Et Paris, la terre de pèlerinage pour tout sapeur abouti.
Dans son roman Black Bazar,
le narrateur introduit le lecteur dans la société de la Sape.
« Si je suis toujours habillé en costard, c’est qu’il faut ‘’maintenir la pression’’, comme on dit dans notre milieu de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes, la Sape, une invention de chez nous, née dans le quartier Bacongo à Brazzaville, vers le rond-point Total, polémique à part. » Il dépeint aussi, avec la truculence qui est sa marque de fabrique, la manière qu’ont ses compatriotes de se jauger à leur cravate.
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