Page 20 - L'Artocrate 2.1 Test
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Catharsis
Migrante
"A l'approche de l'été, "j'hirondellise" mes perspectives, je vole vers des chants de matins plus
verts, boisés, nimbés de mousses aux écorces écorchées. Je migre ...
Je migre pour quitter un urbanisme dénué d'urbanité, je migre pour des jours meilleurs dans
de vieilles pierres, là où j'ai grandi, en arrière pays. (...)
Je n'ai pas à me soucier des frontières à franchir, des fils barbelés, des bombes, des armes et
des balles à tirs d'ailes, de ma terre natale abandonnée portant les stigmates de la haine. Je
n'ai pas à me soucier des ruines causées par les bombardiers, les seules que je connaisse sont
celles laisser par l'histoire et les jours révolus d'un temps où mon arrière grand-mère lavait ses
linges dans l'eau glacée.
Je migre par désir et non par nécessité. Où que j'aille je ne serrais pas rejeté, la couleur de ma
peau, mon origine et mon rapport au sacré ne seront pas associés à la criminalité. Je pourrai
même décider que ma prochaine destination deviendra ma nouvelle maison faite de murs et
de chaleur. Elle ne sera pas montée de toiles humides pourrissantes sur les galets d'une plage
de méditerranée ou construite avec des containers dans des bidons-villes autoritaires. Je
n'aurai pas à y survivre, entassée, agglutinée dans la puanteur et la misère, commettant
l'horreur et le déshonneur pour nourrir mes pères. Je n'aurai ni à me préoccuper de la
domination ni d'aucune pression sociale cherchant à me caser dans le moule du bon-nègre.
Lorsque je m'installerai dans mes nouveaux quartiers, mes voisins seront charmants, ils ne
seront pas terrorisés ni harangués par des fascistes fâchés avec l'humanisme et les lumières. Je
ne serai pas rejetée ni accusée des maux de l'humanité. Mes préoccupations pourront être
futiles. Je pourrai m'atteler à ne manger que des légumes issus de l'agriculture biologique,
acheter du miel chez le petit producteur et choisir un bon vin pour accompagner les grillades
des longues soirées. Je n'aurai pas à mendier ni à accepter des paquets de gâteaux à l'huile de
palme en les recevant, remerciant, m'inclinant, comme si l'on m'avait donné le rein de leur
reine bienaimée.
A l'approche de l'été je suis une migrante dorée aux plaisirs simples qui pleure sur l'actualité,
dégoutée par les ordonnances d'hommes costumés, censés refléter les désirs de leurs
administrés, ces démagogues avides, offrants la légions d'honneur au plus grand dictateur élu
meurtriers de l'année.
Dévoilée comme insoumise à la déchéance je ne tolère pas l'état d'urgence mais je proclame
l'urgence d'un nouvel état, conteste les nouvelles mesures en matière de travail et d'équité. Je
soutiens la nécessité de migrer vers un autre mode de pensée."
NLF
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