Page 2 - Hunzinger - Press - Un chien à ma table
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Presse écrite FRA
Famille du média : PQN Edition : Du 08 au 09 octobre
(Quotidiens nationaux) 2022 P.10
Journalistes : ALEXANDRA
Périodicité : Quotidienne
SCHWARTZBROD
Audience : 954000
Nombre de mots : 571
Sujet du média :
Actualités-Infos Générales p. 1/1
Miracie canin
un coupie et une
Dête peraue. faPie
ûe Claudie Hunzinger
Par ALEXANDRA SCHWARTZBROD
i vous êtes noué par l’angoisse ces abesoin de senourrir d’autre chose, d’un êtrevivant car
temps-ci, effrayé par la course folle et er ce presque mort ne sufflt plus. «Déguerpir, c’estma base
ratique du monde, il vous suffira de plon de romancière. De livre en livre, je mesuis accrochée au
ger dans le nouveau livre de Claudie déguerpir comme à la queue d’un renard.» Un jour, ce
Hunzinger pour sentir aussitôt le niveau de stress dé n’est pas un renard qui surgit de nulle part mais une
croître. Ce roman estune bouffée de nature àl’étatbrut, jeune chienne blessée,chaîne brisée, et c’estcomme si,
au sens oxygène, silence et chaleur animale. Les seuls dans cettevie dont l’horizon serapproche dangereuse
cris que l’on y entend sont ceux des bêtes,etles seuls ty ment, jaillissaient soudain un peu de lumière et de vie.
rans sont la nuit etle jour qui, imperturbablement, dic «Ça m’estvenu en un éclair, “andyes Isaidyes Iwillyes”,
tent le rythme du temps. Claudie Hunzinger est une je l’ai appelée Yes.»La chienne dépoussière soudain la
poète qui sevit comme un élément à part entière de la maison comme dans ces contes où une féetransforme
prairie et de la forêt, on la croirait poussée dans la terre, un dépotoir en palais d’un seul coup de baguette.Même
fortifiée par la pluie, ensemencée par les insectes, ber Grieg finit par s’attacherà l’animal etles trois vont sete
céepar le chant des oiseaux, caresséepar le vent. Et elle nir chaud la nuit ou le jour, vieilles carcassesréchauffées
est partageuse, elle sait nous décrire et nous attacher par la boule de poils. Mais cela n’aide pas pour autant
à ce monde que nous ne prenons pas assezle temps de Sophie àentamer son roman, alors elle marche desjour
regarder, du moins certain(e)s d’entre nous. nées et parfois des nuits entières. «La nuit, aufond, n’est
La narratrice est une femme âgéequi vit avec un ours pas belle du tout. Grouillante. Profonde. Préhistorique.
réincarné en humain, Grieg («des vioquesj’aime beau Chasse, combats, mises à mort. IIfautaimer. Une seule
coup ce mot, vioque, il dit l’ejfarement insoluble de l’en bêtefaite de toutes les bêtes,de toutes lesénergies, à deux
fant qu’on est resté»), dans une maison délabrée sur pas demoi.»Un jour enfin, Yes àsespieds, Sophie trouve
plombant une prairie. «C’était une maison oubliée, plus l’inspiration. Mais ce début va marquer une fin. ♦
oubliée que toutes nosprécédentes maisons, au milieu
de sesdébris de lait de chaux. Unprototype d’innocence CLAUDIE HUNZINGER UN CHIEN À MA TABLE
non historique, mais en morceaux. Et malgré cela, ou Grasset, 288 pp, 20,906 (ebook: 14,996).
grâce à cela, indiciblementpleine de vie dans son absence
de salutflnal. Et voilapourquoi elle nous avait channés
intensément. Mais pas autant que la prairie à sespieds.
Un fragment d’holocène négligépar le capitalisme. Une
prairie tout entièrefleurie. Epaisse. Vivante. Réelle. Rien
d’abandonné. Et soudain la Te>rene nous avait plus sem
blé aussi abîmée que ça. Elle aurait pu repartir. Elle
pourrait repartir. Refleurir.»
Dans ce paradis, malgré tout, elle sesent seule, Grieg vi
vant dans un autre espace-temps, déjà ailleurs, dormant
le jour etlisant la nuit. Sophie, elle, est romancière, elle
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