Page 9 - Hunzinger - Press - Un chien à ma table

Presse écrite FRA
Famille du média : Médias spécialisés Edition : Octobre 2022 P.62
grand public Journalistes : PATRICIA
REZNIKOV
Périodicité : Mensuelle
Nombre de mots : 654
Audience : 524000
Sujet du média : Culture/Arts
littérature et culture générale p. 1/1

DANS LES PILES
PATRICIA REZNIKOV

Chantres du désenchantement

Le muguetrougeexiste,il estlafleur l’écriture, la lecture, la pensée, pratiquant
du cœur. II est le visage de Dora LAOUL'UNEST une retraite choisie et obstinée. La maison
Diamant qui donna à Kafka son est comme un radeau dans la tempête qui
viatique pour l’éternité. II est ce CHERCHEUR affronte lesjours, la vieillesse,lesdésillusions.
cheval blanc àla robe de mariée ou Sophie aime parler à son ânesseetparcourir
cespetits veaux qui vont à l’abattoir comme DE GRÂCE, LAUTRE la montagne au crépuscule ou à l’aube, tra
dessaints. II estla braise d’une cigaretteentre SE VAUTRE À CORPS quant le plus intime souffle des plantes,
deux amoureux ou lavioloncelliste Jacqueline prenant aussile pouls de l’humanité. Un jour
du Pré. II estle sourire incompréhensible du PERDU DANS vient à eux une petite chienne blessée. Le
père disparu, le café des Libellules où l’on couple et l’animal forment alors un trio
dit des poèmes. II est l’irradiation des vers LES SOUS-BOIS charnel, au cœur battant à l’unisson. Peu à
d’Anna Akhmatova etla poussière de chaque peu, la chienne devient la gardienne de
note rendue visible sur son violon par David l’écriture dela femme qui, enretour,laprotège
Oïstrakh. II estNerval etNovalis, et surtout des prédateurs embusqués. De fulgurances
Pascal. II est ce qui a disparu et ce qui dis poétiques - les nuages sont « des crânes
paraîtra, l’argent papier, les mendiants, les visages ouverts à la échappés d’un ossuaire un jour de grande crue »
rencontre. Tout, dans ce texte, témoigne du regard de Christian engagées- « leslivresà venir nauront peut-êtreplus aucune curiosité,
Bobin, de son travail d’abeille et de poète. II s’inquiète de notre plus aucun regret » -, de visions de peintre en questionnements
société qui bascule dans la laideur. Peu à peu, son émerveillement humanistes, Un chien à ma table nous happe comme l’eau d’une
fait place au désenchantement, au chagrin devant le gâchis de rivière puissante, nous envoûte et ne nous lâche plus. Un récit où
notre monde plein de sesécrans à la « terrible amitié ».Dès le petit Giono serait chez lui, où les oiseaux, les fougères, la brume parti
matin pourtant, il entredans notre « torrentd'éternellesdisgrâces», cipent d’un mystère qui nous échappe. Claudie Hunzinger nous
tàchant tout de même de glaner cespetits cailioux de granit rose parle ici de l’amour et de l’âge, de joie, d extase et de colère.
qui étincellent timidement, comme autant de signesdela promesse Bobin et Hunzinger, chacun à sa fenêtre, ont déjà désespérédu
d’un monde transcendant. monde moderne. Tous deux déchantent et résistent, chacun avec
Outre la parution du Muguet rouge, ceux qui cheminent avec son art si singulier, laissant entrer un grand vent de pure poésie. ♦
lui vont pouvoir désormais le retrouver dans un Quarto intitulé
Les Différentes Régions du ciel qui inaugure, chez Gallimard, une
prestigieuse nouvelle collection d’auteurs contemporains. Ils y ★★★★☆
LE MUGUET ROUGE
trouveront de beaux textes inédits, des photos, des documents CHRISTIAN BOBIN
personnels ainsi quetous sestextesdont lesmagnifiques Le Très-Bas 96 P., GALLIMARD/NRF, 12,50 €. EN LIBRAIRIES LE 6 0CT0BRE,
ou Laplus que vive.
Et puis il y a Claudie Hunzinger. Là où l’un est chercheur de ★★★☆☆
LES DIFFÉRENTES RÉGIONS DU CIEL
grâce, l’autre sevautre à corps perdu dans les sous-bois musqués,
CHRISTIAN BOBIN
gardienne païenne de la montagne farouche où elle et son vieux 1024 R, GALLIMARD/QUARTO, 26 €
AUDREY SOVIGNET
compagnon berger se sont retirés. Telle une druidesse œuvrant à
la beauté tellurique du monde, Claudie-Sophie ausculte la nature ★★★★A TABLE
UN CHIEN ÀNIA
ety déniche une constante source de réflexion, dejubilation. Aux
CLAUDIE HUNZINGER
Bois-Bannis, Sophie et Grieg vivent l’amour dans l’éternité, 288 P„ GRASSET, 20,90 €

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