Page 43 - Black Beautés Magazine - Juin
P. 43
extrêmement talentueuse, elle est devenue une Et ici je ne suis pas la seule. Il y a une grande soli-
excellente business woman. Ses influences musi- darité entre musiciens noirs ici et je me sens à ma
cales me parlent beaucoup et surtout, elle n’a place. Je trouve cela triste qu’à notre époque
jamais eu peur d’être elle-même. Je l’adore! les musiciennes noires n’obtiennent toujours
pas les mêmes opportunités que d’autres
B.B : L’image de la femme noire violoniste dans musiciennes ayant les mêmes diplômes
tout cela ? mais une différente couleur de peau. Il y a
Mapy : Je vais vous raconter une anecdote qui heureusement de rares exceptions, mais nous
m’est arrivée. Après avoir obtenu mon Diplôme de avons encore un grand travail à faire afin que notre
Conservatoire, j’ai eu beaucoup de mal à trouver talent soit reconnu. Quand j’étais petite, ma mère
du travail en tant que violoniste en France. J’étais m’a dit “Dans la vie tu devras toujours travailler
parfois recrutée pour accompagner des artistes dix fois plus que les autres, afin d’obtenir la même
sur les émissions tv, mais on me précisait que reconnaissance”. Aujourd’hui ses mots prennent
c’était parce que le label de ces chanteurs étaient tout leur sens.
à la recherche de musiciens noirs afin de donner
une image cool à l’artiste. J’étais à ce moment-là, B.B : Un dernier mot à nos lecteurs ?
la seule violoniste qui correspondait aux critères. Mapy : Certaines expériences de la vie m’ont
Le reste de l’année, toutes les femmes violonistes appris que la clé de la réussite était d’être soi-
qui accompagnaient les artistes étaient blanches même. Quel que soit notre métier ou milieu social,
de peau et avaient les cheveux lisses. Bien que il est important de savoir d’où l’on vient et rendre
j’étais heureuse d’obtenir du travail de temps en hommage à notre culture et nos ancêtres.
temps, je trouvais cela injuste. Un jour, je me suis
présentée dans la loge des violonistes afin de me
préparer avant un show. Deux femmes violonistes
étaient déjà dans la pièce et l’une d’entre elles m’a
immédiatement indiqué la direction de la loge des
danseuses, comme si j’étais ici par erreur. J’avais
pourtant un violon à la main. J’ai abandonné le
violon pendant un moment à cause de ces
expériences que je trouvais humiliantes. J’ai
travaillé dans l’administration pendant quelques
années jusqu’au jour où j’ai décidé de me donner
une dernière chance de vivre mon rêve de devenir
violoniste. J’ai démissionné de mon travail, puis
j’ai recommencé à travailler mon instrument. Deux
semaines plus tard, j’ai reçu un coup de fil d’un
ami DJ qui me proposait de faire une performance
hip-hop / Dancehall lors d’un événement. J’ai ac-
cepté et ce jour-la ma carrière a pris un nouveau
tournant. J’étais enfin bookée pour qui j’étais,
pour jouer la musique que j’aime devant un public
qui me comprenait et me respectait en tant que
violoniste et femme réunionnaise. J’ai par la suite
déménagé aux Etats-Unis où je suis également
très respectée en tant que femme violoniste noire. Crédit Photo : @adayliving