Page 8 - Lux in Nocte 13
P. 8
Parce que le désir de chanter invite aussi l’inconscient.
Sophie Hervé
Lorsqu'une personne frappée d’ASA (syndrome d’apnée du sommeil) se réveille en
panique au milieu d'un rêve, rêvant qu'elle s’étouffe, on est tenté de croire qu’il s’agit là
d’un signal subliminal. J’aime « créditer » l’idée que cela provient d'un neurotransmetteur
« avisé » posté solidement entre le système nerveux autonome et le cerveau cognitif, à la
frontière de l'inconscient et du réel. En tout cas, la projection de cette image fugitive
vient au secours d’un problème physiologique pour le moins concret et c’est plutôt
rassurant …
Ces images sont des sources témoins de notre monde intérieur, elles surgissent la nuit
mais persistent aussi en journée et elles sont d’évidence liées à ce qui nous échappe.
Pourtant elles anticipent, illustrent nos émotions et s’accordent à notre insoupçonnable
et inépuisable réservoir créatif.
Enseigner la voix lyrique c’est inviter les images et donc flirter significativement avec
l’inconscient car c’est du cœur de l’intime que les mots déferlent, c’est du fond des
méandres de la psyché que, toute gorge ouverte, les voix de nos élèves s’élèvent plus ou
moins spontanément.
Innée ou laborieuse mais toujours empressée, la voix lyrique vient généreusement et
naïvement s’aboucher au monde réel, elle prend tous les risques car elle n’a pas
seulement en charge les mots des autres, elle est infiniment remplie d’elle-même.
Le chant lyrique répond à un foudroyant appel dont on ne mesure pas grand-chose et
cette voix que l’on voudrait sympathique va pourtant bousculer toute la personne. Il faut
être frappé d’un désir très puissant pour s’exposer ainsi aux regards et aux oreilles des
autres.
Un professeur de chant est un guide et pour cela, un « as » de l’art de la visualisation, il
convoque tour à tour le mental comme l’imaginaire et oriente le parcours sensoriel de
l’élève chanteur(se) car le travail de la voix est un mystérieux cheminement qui a terme
accorde le corps et l’esprit. Ce travail s’appuie sur la programmation de nouveaux gestes
réflexes qui seront validés par le système nerveux, c’est donc le cerveau des réflexes,
celui qui a tant de noms (le reptilien, le cerveau neuro végétatif, le cerveau autonome, le
cerveau des émotions) c’est lui qui prendra en charge cette nouvelle voix(e) pour le
meilleur comme parfois pour le pire.
C’est en faisant référence à de bonnes images qui éclairent et rassurent le corps que
l’apprenant chanteur se renforce alors qu’il peut très vite paniquer au cœur d’un discours
élaboré. Les portes de l’inconscient sont grandes ouvertes.
8