Page 9 - Lux in Nocte 13
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Tout peut arriver … or il convient de maîtriser son art car chanter en mode lyrique n’est
pas une fonction réflexe indispensable.
J’ai dû admettre que le corps avait son propre langage, il ne comprend pas le
raisonnement même basique ni le sens sans le relier à une image, une odeur, un geste, un
dessin en 3D. L’art du chant a donc ses codes musicaux mais aussi sa géométrie.
On efface une mauvaise idée, on éloigne une triste pensée, on ne se débarrasse pas
simplement d'un mauvais geste.
Ces images que nous proposons pour aider nos élèves à ressentir les vibrations, la
justesse, la visée et l'élégance de leur chant va stimuler des zones sensibles bien au delà
de la pleine conscience.
C’est alors l’osmose entre l'émotion et le geste.
Ce geste appris où spontané doit se définir physiquement voire scientifiquement, puis il
est validé par tout le système cérébro-spinal pour qu'il constitue un élément pérenne et
solide. C'est l'évidence du technicien qui se souvient non pas d’un son mais du geste qui
le produit.
C’est l’écoute physiologique des sons.
La musique n'a pas besoin d'être sonore pour être entendue. Beethoven, le grand
compositeur l'avait gravé dans son cortex auditif, nous savons qu'il l'avait stockée dans sa
mémoire proprioceptive. Devenu sourd, il gardait cependant l'accès à son imagination
créative et possédait le souvenir structurel et architectural de la composition. Il avait
conservé dans son cerveau tout ce qui lui était nécessaire pour l'écrire encore et encore
et jusqu'à sa mort, sans plus de repères auditifs.
La proprioception est l’accès a une mémoire corporelle viscérale qui favorise cette
circulation auditive silencieuse. Penser permet d'entendre vraiment physiologiquement
comme mentalement.
La mmémoire « proprioceptive » permet de stocker des réflexes et d'inscrire nos gestes
comme sur un disque dur.
Bien sûr la raison affirme un geste, elle en développe l'action et en affine le procédé,
mais je ne sais pas si aujourd'hui avec tout ce que nous savons sur nos deux cerveaux,
Descartes affirmerait encore : « je pense donc je suis »
On réalise aujourd’hui qu’un chanteur peut affiner le travail d’une partition
physiquement sans la chanter. La neurophysiologie nous rapporte sur ce sujet des
informations éloquentes grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRM) : ce que l'on
imagine ou réalise en réel sur le terrain sollicite quasiment les mêmes zones d'activités
cérébrales.
Les organes envoient toujours des signaux à bon escient par leurs voies de connexion
neurologiques, le cerveau cognitif ne les calcule pas toujours sans doute parce qu’il est
encombré, secoué de trop d’informations, saturé ou trop occupé. Fort heureusement,
une grande partie du corps viscéral est en autonomie.
Il se trouve que la voix est au carrefour de ce formidable réseau sensoriel et le travail du
chant est une formidable passerelle entre le cerveau cognitif et le viscéral, c’est une sorte
de flux et reflux énergétique, un entre soi vertigineux.
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