Page 61 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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dans son garage, dont la moitié a été transformé l’an passé en une serre mu- nie d’un système aquaponique. Pres- que tous les matins, il suit le même rituel : « Je viens voir mes plantes, nourrir mes poissons et proiter de la qualité de l’air ici. Ça fait vraiment du bien. C’est bien mieux qu’un café le matin. » Accompagnant ses paroles d’un geste, il respire un grand coup et laisse s’étaler sur son visage un sourire.
André Vermette n’est pas un agri- culteur. Il travaille dans le domaine de la construction. Toute la journée, il supervise des chantiers, élabore des plans de construction dans son bureau. Mais à ses heures perdues, l’écologie et la saine alimentation lui inspirent de nombreux projets. C’est d’ailleurs ainsi qu’il a commencé à rêver d’aquaculture maison.
« J’aime manger des légumes frais du jardin. Chaque été depuis plusieurs
années, ma femme et moi, on fait un petit jardin potager derrière notre maison. Ça nous permet de manger de bons légumes frais tout l’été. Parfois, il en reste un peu pour l’hiver, mais ça ne dure jamais bien longtemps. Et puis un jour, je me suis dit que ce serait très in- téressant de manger des légumes frais toute l’année, même en hiver. C’est à ce moment que j’ai commencé à faire des recherches pour voir ce qui était possible. De là m’est venue l’idée de la serre. »
André a donc bâti une serre, mais pas n’importe laquelle : construite sur une supericie d’environ 32 m2, la serre com- porte une section pisciculture dans laquelle baignent une cinquantaine de poissons-tilapia qui seront prêts à la consommation d’ici le début du prin- temps. Une utilisation impressionnante du peu d’espace qu’il possède. « Dans quelques semaines, tu pourras venir
pêcher », me lance André en rigolant, avant de m’expliquer comment fonc- tionne son système aquaponique.
« Dans ce réservoir d’eau se trouvent mes poissons. C’était un ancien réser- voir de lait que j’ai acheté sur une ferme laitière. Il est raccordé à une pompe qui fonctionne constamment, et qui permet de renouveler l’eau pour que les poissons aient toujours l’oxygène dont ils ont besoin pour vivre. L’eau et les déchets des poissons passent par ce tuyau, et aboutissent dans le lit pour fertiliser les plantes. Les tomates vont peut-être sentir un peu les déchets des poissons », ironise-t-il.
« C’est un cycle constant. La valve qui est ici s’ouvre à une fréquence régulière pour laisser passer l’eau, et le cycle recommence. C’est très simple, économique, écologique et facile à faire fonctionner. Je n’ai pas besoin d’arroser chaque jour. Ça se fait tout seul. Je dois seulement nourrir les poissons. »
« C’est pas mal cool de venir ici cueillir des tomates et des épices le soir pour faire une vraie salade maison. C’est frais et ça goûte vraiment bon! » Son visage radieux trahit sa ierté. Il cueille une tomate et mord dedans à pleine dent. Sa main frôle un haricot vert qu’il arrache tendrement. « C’est le premier cet hiver. Goûte ça, lance-t-il en me tendant la moitié. » La saveur du légume se répand dans ma bouche. N’eût été la blancheur à l’extérieur, qui me rappelle assez vite le temps de l’année, je me croirais en été.
Je suis aussitôt tenté de goûter d’au-
tres légumes. André Vermette semble
avoir lu dans mes pensées. Il cueille
quelques feuilles de basilic qu’il me
tend. Elles sont d’un vert pur, irrésis-
tible. Sans hésiter, je les enfouis dans 61 ma bouche avant de les mastiquer
avec soin. Leur parfum embaume mon
palais.
Je suis séduit par l’ingéniosité de ce jeune citadin de Winnipeg. Et encore plus lorsqu’il me conie, en toute hu- milité, que tout ce projet a été conçu de ses propres mains. « Ça m’a coûté moins cher à cause de ça. »


































































































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