Page 7 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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En mai, je pars pour Punta Cana. Je vais jouer dans l’eau azurée et dans le parc d’eau avec ma ille et ma nièce. Je vais boire des mojitos con mucho ron sous les palapas. Je vais souper à la carte tous les soirs. J’espère même visiter une ferme de cacao dans les montagnes. Pourquoi l’évasion élitis- te ? L’hiver. La maudite hiver.
L’hiver est la seule saison que je hais et que j’adore à la fois. Ce n’est pas une relation tout à fait saine; à l’image d’un couple qui se chicanerait constam- ment juste pour pouvoir s’arracher le linge de sur le dos à la in de la journée. À la première tempête, je sors empli d’énergie et de joie de vivre. Je sile les plus grandes balades de Céline au rythme de ma souleuse. Mais à la in de l’hiver, j’abattrais le Bonhomme Carnaval à grands coups de hachette s’il osait venir à ma porte avec son gros sourire plastique.
Ceci étant dit, ma banque de clichés gastronomiques serait pauvre sans cet- te saison de neige et de glace. Breuva- ges chauds au bord du feu; préparation d’un ragoût trop riche comme le faisait ma Mémère; bières froides dans un aré- na gelé après m’être pris pour PK sur la glace. Au Danemark, c’est la consom- mation excessive d’æbleskiver (p. 46). Aux Îles-de-la-Madeleine, c’est la vian- de de phoque fraîche (p. 20). Et pour les premiers colons d’Amérique du Nord, c’était le scorbut qui, selon de fausses sources, avait un goût d’anis (p. 8).
Les aliments que nous nous mettons en bouche régulièrement en viennent à faire partie de notre identité, et ceux-ci sont souvent déterminés par les sai- sons. Donc la gastronomie hivernale, c’est nous. Nous sommes pouding chô- meur, éperlan et gløgg.
Bonne lecture!
JE SUIS OREILLE DE CRISSE
Patrick Thibeault
Rédacteur en chef
MOT DU CHEF
phot. Archives
DE GAUCHE À DROITE : Patrick Thibeault et Pierre Babineau


































































































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