Page 33 - Rebelle-Santé n° 228
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   RENCONTRE
  In vino veritas* : on connaît tous le vieux proverbe, mais que savons- nous vraiment du vin ? Catherine Bernard est vigneronne dans le Languedoc où elle produit des vins naturels. Dans ses livres, elle raconte ses travaux des vignes et questionne la part culturelle et philosophique de ce que nous buvons. Une initiation au vin qui passe du ciel à la terre, de la vigne au raisin, de la cuve à la table.
Les vins de Catherine Bernard s’appellent simple- ment « Le Carignan », du nom d’un des cépages qu’elle cultive, « La Carbonelle » du nom de sa
parcelle, « Le rosé »... Des vins de pays sans préten- tion sinon celle de ramener au nez et à la bouche l’histoire des raisins qui les ont faits. Cela fait 16 ans que Catherine a tourné le dos à sa carrière de journa- liste. Vingt ans à travailler dans les rubriques écono- miques pour de grands quotidiens avant de s’installer comme viticultrice-vigneronne à Saint-Drézéry, dans l’Hérault, où elle cultive trois hectares à peine, et dont elle tire 15 000 à 20 000 bouteilles par an de vins naturels, jamais le même. Après avoir construit sa cave bioclimatique en 2015, elle se lance aujourd’hui dans l’expérimentation viti-forestière avec son fils Nicolas, 26 ans, qui l’accompagne et travaille avec elle. Tout cela, Catherine l’écrit dans ses livres. En se documen- tant et en partageant son expérience, elle enrichit ses réflexions, dit sa joie de vivre, dénonce les méfaits de la monoculture et se confronte au changement clima- tique de plus en plus visible. La réédition en poche de son premier livre « Dans les vignes, chronique d’une reconversion » (2011) où elle témoigne de son instal- lation, est l’occasion de revenir sur son expérience et d’aborder la philosophie concrète qu’elle tire du tra- vail de la terre et du vin.
Rebelle-Santé :
En 2005, vous vous installiez comme viticultrice et vigneronne. Votre expérience est très inspirante et toujours d’actualité. Qu’est-ce qui vous a décidée à cultiver la vigne ?
Catherine Bernard :
Je suis allée vers la vigne pour retourner à la terre, et ce besoin de retour à la terre est intemporel car nous venons tous de la terre de plus ou moins loin. Je suis née dans les années 1960, j’ai grandi dans la cam- pagne nantaise mais mes parents n’étaient pas agri- culteurs. Ça change tout. La plupart des enfants d’agri- culteurs de ma génération n’avaient qu’une seule envie, celle de quitter la terre, tandis que pour moi, la
*Dans le vin, la vérité
campagne était synonyme de liberté : une liberté de corps et de mouvement, avec laquelle j’ai construit mon rapport au féminin. Quand je passais mon temps en bottes dans les champs à courir dans les fossés, je n’étais pas obligée d’être une petite fille sage qui prend soin de sa jolie robe. J’aimais la campagne pour ses odeurs, aller chercher le lait à la ferme, me sentir de la planète au sens large, avec cette conscience de ne pas être hors sol, de savoir d’où je viens, où je pose le pied, vers quoi je lève la tête. J’ai fait des études parce qu’il fallait faire des études mais j’ai toujours gardé dans un coin de ma tête l’idée que j’irais travailler la terre. Au début, je ne connaissais rien au vin. J’étais arrivée comme correspondante de Libération à Montpellier où je suis restée pendant 4 ans. Mes enfants commençaient à grandir, j’avais une vie qui se construisait. Plutôt que de retourner dans ma région, je me suis installée où la vie m’avait conduite et comme à cette époque 90 % de l’agricul- ture du Languedoc étaient des vignobles, je suis allée vers la vigne et le vin.
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