Page 38 - Rebelle-Santé n° 197
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Propos recueillis par Virginie Parée
PSYCHOLOGIE
Lors des stages en mer, quand un nuage passe devant le soleil, la luminosité dans l'eau change. Le corps, hyper- sensible, tressaille, même si on n'en est pas totalement conscient.
Il y a aussi le rapport avec la profondeur ou avec la distance de la plage. Quand on n'est pas trop loin du bord, c'est suppor- table, même si ça descend rapidement. A contrario, on peut avoir pied, mais être loin du bord et ressentir de l'anxiété.
Traitez-vous aussi les phobies liées à ce qu'il y a dans l'eau ? Les requins ou autres poissons effrayants...
V. D. : Oui. Certaines de ces peurs sont transmises dans l'enfance. Par exemple, une femme tunisienne me disait que sa grand-mère, lors de vacances dans le désert, lui disait de ne pas approcher des buissons car il y avait des serpents. Cette peur s'est déplacée dans l'eau car les al- gues ou des récifs pouvaient ressembler à des buissons et étaient susceptibles d'abriter des serpents... Quand le souvenir des propos de la grand-mère est remonté, la peur a été balayée.
Autre situation : une personne dit avoir peur du fond et des bêtes. Dans son histoire, on apprend qu'elle a perdu un frère sur une plate-forme pétrolière. Le corps n'a jamais été retrouvé. Progressivement, on s'aperçoit que cette peur est relative au fameux frère qui est resté au fond de l'eau, certainement dévoré par les pois- sons. D'où cette terreur. Il y a des émotions difficiles qui restent très mortifères et, quand on remet des mots dessus, on peut enfin passer à autre chose.
J.-P. B. : On peut aussi remédier à cela de façon très simple : on s'est rendu compte que, de façon agréable et rapide, faire de l'identification permet de lutter contre une fantasmatique presque incontrôlable. On met un masque et un tuba et on prend le temps d'aller voir. J'ai fait une vidéo pour apprendre à reconnaître les grandes familles d'animaux aquatiques et on a tou- jours dans nos sacs une bibliothèque sur l'histoire des poissons. On passe de la peur à un présent merveilleux.
Les poissons changent de couleur ou de forme sous nos yeux. Quand on les a identifiés, il n'y a plus de raison de les craindre.
Et comment parvenez-vous à chasser la peur ?
V. D. : Nous fonctionnons en groupe car la synergie démultiplie les résultats. Nous mettons en confiance les personnes pour qu’elles se sentent bien sous l’eau, pour ensuite pouvoir se lais- ser porter, détendues, allongées, en sachant se redres- ser, puis être mobile.
On joue et on rit. Tout le monde se détend avant d'abor- der les techniques de nage, le grand bain, le saut ou le plongeon. D’abord, il est important de ressentir l’im- pression de flottement.
J.-P. B. : On s'est rendu compte que les personnes qui viennent nous voir n'ont pas besoin de courage ou d'énergie, elles en ont à revendre. Généralement, quand on a touché du doigt l'intensité des peurs qui sont à l’ori- gine de leur peur de l'eau, on ne peut être qu'admiratif devant tant de courage à vouloir s’y plonger.
Quel conseil donneriez-vous à une personne qui a peur de l'eau ?
V. D. : Réaliser qu’elle est profondément attirée par l’eau et qu’en fait, elle n’a pas peur de l’eau, mais peur dans l’eau. En fait, elle a peur de se noyer dans l’eau. Cette peur terrible de se noyer repose sur différentes croyances dont les deux principales sont :
- moi, je ne flotte pas (c’est ce que disent 98 % des per- sonnes qui viennent nous voir) - l’eau va rentrer par mon nez et ma bouche et m’étouf- fer (60 % des personnes que nous rencontrons).
Le seul moyen d’invalider ces croyances mortifères est de pouvoir percevoir, sentir la réalité en entrant dans une réelle relation sensorielle avec l’eau et de tout faire pour se détendre.
Dans un contexte adapté, calme et le plus sécurisant possible : - Se respecter dans son rythme et ses émotions. - Accepter d’être tendre et patient avec soi-même comme on le serait avec quelqu’un que l’on aime, dont on perçoit bien la peur et que l’on voudrait aider dans cette démarche.
- Commencer là où nous avons très confortablement pied en respectant la chronologie de nos besoins. Tout cela en jouant et en ressentant du plaisir à le faire. Ce n’est qu’après avoir eu ce plaisir que l’on peut abor- der les techniques de nage avec satisfaction.
Propos recueillis par Virginie Parée
Merci à Véronique et Jean-Pierre !
Pour en savoir plus sur leur méthode « Le pied dans l'eau » : www.pied-dans-eau.fr Tél : 01 42 83 03 90.
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Photos © le pied dans l'eau