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RENCONTRE
lancer mes petits coups de grogne habituels, de témoi- gner des coups de mou avec une pointe d’exagération car le romancier n’est pas loin. C’est plus agréable de raconter les choses avec légèreté, de mettre du relief. L’humour est « la politesse du désespoir », c’est une arme, car on ne peut pas vivre sans dérision envers les autres et surtout envers soi-même. Je devais exclure le sérieux. Il y a suffisamment de gens pour nous donner des leçons et nous diriger. La littérature doit rester un endroit de plaisir.
Vous écrivez : « La marche est un motif d’espérer ». En quoi la marche représente-t-elle un espoir face aux menaces environnementales ?
Marcher, c’est avancer, alors on peut toujours espérer avancer vers le bonheur. Si on est doté d’un certain mental, on marche en réfléchissant sur soi-même par rapport au monde. En ce sens, la marche nous remplit positivement : ça fait du bien de se ressourcer, d’aller marcher dans le désert comme Gandhi. C’est pour- quoi j’écris avec beaucoup de virulence contre ceux qui sont déconnectés de la nature, branchés derrière leurs ordinateurs à guetter les courbes de l’économie et affairés à dominer le monde. Si on oublie le lien à la nature, on détruit l’humanité et il n’y a plus d’espoir :
il y a la menace du chaos qui nous pend au nez. On voit des gens très inquiétants dans la montagne qui marchent aussi comme des bourrins, avec les œillères, sans rien observer de la beauté du monde, en laissant leur poubelle dans les paysages. Mais ils sont nom- breux aussi, ceux qui marchent avec de très bonnes intentions. Personnellement, je préfère être debout et en mouvement plutôt qu’assis ou couché. Si l’immo- bilité est une forme de mort, l’humanité que j’aime marche dans le sens de la beauté, du partage, de la justice sociale. L’intelligence de notre espèce nous permet de progresser dans le bon sens et nous savons prendre soin de la nature quand nous le voulons, à condition de s’opposer à un système qui pense en termes de rentabilité et d’efficacité économique. Ce sont les comportements égoïstes de quelques-uns qui menacent de tout détruire.
Propos recueillis par Lucie Servin •Vers la beauté, toujours !, Pascal Dessaint, La Sala-
mandre, 140 pages, 19 € •Le site du romancier :
https://www.pascaldessaint.fr/Pascal_Dessaint.html
CET ÉTÉ, LISEZ PASCAL DESSAINT !
Mourir n’est peut-être pas la pire des choses, Rivages, 2003
À partir de ce polar, la nature, toujours présente dans l’œuvre de Pascal Dessaint, occupe une place centrale. À Toulouse, le meurtre d’une jeune femme conduit l’enquête sur la piste d’un groupe d’écoactivistes revenus de tout.
Maintenant le mal est fait, Rivages, 2013
Dans le décor de la côte normande, une autoroute se construit. Ce roman choral met en scène un groupe d’amis brutalement confrontés à la mort d’un des leurs, naturaliste engagé amenant l’intrigue à questionner les dangers que la marche du progrès fait peser sur la nature.
Un homme doit mourir, Rivages 2017
Boris, naturaliste, expert auprès des industriels, a vendu son âme au diable, et s’arrange pour autoriser une unité de stockage de matières dangereuses dans les Landes. Une ZAD, Zone À Défendre, s’oppose au projet.
La trace du héron, Petit écart, 2017
Une vingtaine de pages pour deux balades poétiques et contemplatives sur les bords de la Garonne
sauvage au cœur de Toulouse là où l’auteur vit, et une balade au fil de la Loire, le fleuve qui le fascine.
L’horizon qui nous manque, Rivages, 2019
Retour dans le Nord, entre Gravelines et Calais ; un drame se joue autour d’un trio de personnages, un chasseur à la retraite, une institutrice qui s’occupait des migrants, laissée désœuvrée depuis le déman- tèlement de la jungle de Calais et un repris de justice.
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