Page 12 - Rebelle-Santé n° 232
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NATURE
À écouter la vie de Marion Chaygneaud-Dupuy, on pourrait se croire dans un roman de découverte du début du XXe siècle, à l’époque où cer- taines femmes éclairées et volon- taires n’écoutaient que leur soif de découverte et d’altruisme pour
repousser certaines limites...
Âgée d’à peine 40 ans, Marion Chaygneaud-Dupuy est la pre- mière européenne à avoir gravi trois fois l’Everest par la face Nord. Elle a mené à bien plus de 150 pro- jets sociaux, soutenu les nomades des hauts plateaux, créé un label d’écotourisme dans l’Himalaya et lancé ce projet fou d’éliminer les 10 tonnes de déchets qui jonchent l’Everest.
UN ÉLECTROCHOC EN INDE
Tout commence à 16 ans lorsqu’elle rend visite au père d’une amie, médecin dans les rues de Calcutta, en Inde. De plein fouet, elle reçoit la souffrance, la maladie, la mort et, en même temps, une ouverture du cœur. Voulant comprendre ce tourbillon, elle se dirige vers le bouddhisme qui éclairera tout son parcours...
LA FORCE DE L’INTÉRIEUR
Marion ne cherche pas la perfor- mance et ne place pas ses objectifs au niveau sportif. C’est sur un tout autre terrain qu’elle a positionné ses actions et sa vie, un parcours
spirituel fait d’expériences médita- tives, d’ouverture du cœur et d’ob- servation de l’esprit. S’appuyant sur la tradition bouddhiste, elle a orienté toute sa vie vers la re- cherche de la compassion qui per- met d’aider l’autre sans se perdre soi-même.
Pour Rebelle-Santé, Marion Chay- gneaud-Dupuy revient sur cette aventure écologique et spirituelle.
Rebelle-Santé :
À Calcutta, le déclic était davan- tage spirituel qu’humanitaire ?
Marion Chaygneaud-Dupuy : Oui, je n'étais pas infirmière ni aide-soignante, et avant tout, je voulais développer des compé- tences intérieures : comment sta- biliser cet état d'être touché par l'autre, et entrer en résonance avec sa souffrance ? Et sans tomber dans la détresse, en gardant mes propres ressources. J'ai senti qu'il y avait une force incroyable dans la tradition spirituelle du boud- dhisme. Elle montre comment la compassion permet de passer de la détresse personnelle à une forme d'action pour l'autre. Les méde- cins à Calcutta avaient quelque chose de plus que je ne voyais pas en Occident. Ils avaient une sorte d'énergie qui venait de ce contact avec la souffrance, mais qui était immédiatement transformé en pouvoir d'action.
Vous vous êtes engagée dans
la voie bouddhiste et vous êtes partie vivre dans un monastère...
Je voulais être formée au boud- dhisme tibétain, pour développer la compassion. J'avais très envie, à terme, de m'impliquer dans des actions humanitaires et d'aller sur le terrain, donc j’ai posé l’inten- tion auprès de mon maître, Bokar Rimpotché, de devenir une travail- leuse sociale. Cela a duré presque quatre ans, au monastère, coupée du monde. Mais cela a développé mon envie d'aller vers les autres.
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