Page 27 - Rebelle-Santé n° 206
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LA CHRONIQUE DE PINAR
retrouve enceinte ! Elle ne se sent pas prête pour cet enfant et, sur- tout, elle ne veut pas quitter son premier travail, mais, à l’époque, l’avortement est interdit ! Comme de nombreuses femmes de sa géné- ration, elle prend une aiguille à tri- coter : « J’ai évacué tout dans les toi- lettes, mais j’ai failli mourir ». Suite à une hémorragie terrible, elle est conduite à l’hôpital. « Je leur ai dit que j’avais fait une fausse couche, mais ils ont compris ». Et elle subit une maltraitance ouverte de la part du corps médical qui la reçoit. Quelques années plus tard, quand elle s’y sent prête, elle met au monde un bébé. C’est une petite fille. Elle continue à travailler et à militer. Mais les problèmes de santé la poursuivent : ablation des amyg- dales, appendicite, ablation de la vésicule biliaire... Elle doit aussi de faire opérer d’un fibrome... et fait une très grave chute lors d’une séance d’alpinisme, une chute ter- rible... Les ennuis auraient pu s’ar- rêter là, mais non...
LES COUPS DU CANCER !
Le cancer du sein frappe à la porte d’Azucena en 2006. Elle a alors 72 ans. Elle vit seule. Chimio, rayons, hormonothérapie ne mar- chent pas ! Alors on recommen- ce... Deuxième hormonothérapie. Le second traitement active les effets secondaires du premier pour lui faire un "cadeau" à vie, une paresthésie : « Je me suis réveillée avec une sensation de fourmil- lements dans le côté gauche, du pied jusqu’à l’épaule. Je n’ai pas pu me lever. Depuis, j’ai toujours des fourmis. Je ne peux plus conduire avec la main gauche, pas faire de vélo non plus. » La main et le pied gauches d’Azucena sont souvent bloqués. Je pourrais énumérer en- core longuement ses ennuis de santé...
J’arrête là, tout ça suffit pour com- prendre qu’elle n’a pas eu une vie facile et que son corps devrait en sortir blessé et épuisé... Une fois
qu’Azucena a eu fini de me racon- ter ses soucis, je lui ai reposé la même question : où trouves-tu la force de ne pas vieillir, de recom- mencer ta vie, de chanter, de jouer, de militer... ? Comment fais-tu ? Comment restes-tu si jeune ?
PLEIN DE SECRETS
« Je ne sais pas. Peut-être que j’ai une semelle rebondissante ; quand il y a un problème, je remonte. » Elle réfléchit un peu, puis elle re- prend :
« Je ne reste jamais dans le passé. Je vis l’instant et je me projette dans l’avenir. Tu dois garder l’expé- rience, mais le passé, c’est le passé. Comme dit le proverbe masaï : "Le passé est un pays où tu ne vis plus." »
« Le bonheur de partager est une vraie effervescence ! Quand on
était dans les camps, mes oncles m’envoyaient de temps en temps un petit colis rempli de chocolats. J’appelais mes amis et on mangeait ensemble. Je poursuis ce sentiment de bonheur. »
« Tout le sport que j’ai fait continue à me protéger jusqu’à aujourd’hui. Malgré la situation de mon corps, je n’ai jamais arrêté le sport. Je marche beaucoup. Je marche long- temps et souvent. »
« L’éducation que j’ai reçue grâce à mes parents m’est toujours utile. J’ai appris à être sensible aux pro- blèmes des autres et à me battre... J’ai la capacité de me battre. » Voilà... Et elle a plein d’autres se- crets. Je peux vous en donner en- core un : elle a un esprit toujours ouvert et elle est curieuse. Comme une petite fille...
Pınar
Rebelle-Santé N° 206 27
Photo : Alain Desgranges