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SOCIÉTÉ
"Il faut éclairer uniquement les surfaces utiles" et donc éviter ces éclairages boule
appliquée, on pourrait réduire la pollution lumineuse en France de manière conséquente. Rappelons que le Code de l’environnement prévoit des sanctions en cas de non-respect de la réglementation, et les amendes peuvent être salées (autour de 700 € par lampe non conforme).
Pour l’éclairage privé, c’est le Maire qui a le pouvoir de police, et pour l’éclairage public, c’est le Pré- fet. Cependant, depuis que les pre- miers arrêtés ont été mis en place en 2012-13, je n’ai pas eu connais- sance de sanctions effectives. Bien sûr, respecter la loi passe aussi en priorité par la sensibilisation. Je consacre une bonne partie de mon temps en conférences et en forma- tions auprès du grand public et de tous les acteurs socioprofession- nels comme les syndicats d’éclai- rage. De nombreuses communes délèguent la gestion de leur éclai- rage à ces syndicats qui sont des structures techniques compétentes et dont la prise en compte de la di- mension biodiversité varie en fonc- tion des départements. Certains, comme le syndicat de la Côte-d’Or ou de la Vendée, se sont déjà im- pliqués sur ces questions, d’autres moins. Si les gens comprennent les dégâts causés par la pollution lu- mineuse, ils vont avoir envie d’agir par eux-mêmes. C’est le meilleur moyen.
Propos recueillis par Lucie Servin
réduire l’éclairage au strict néces- saire en supprimant l’éclairage inutile, en réduisant les plages ho- raires, en installant des détecteurs de présence et des minuteries. À ce titre, plusieurs milliers de com- munes éteignent leur éclairage en cœur de nuit. Le phénomène s’est d’ailleurs amplifié avec le confine- ment. Pourtant, ce n’est pas une obligation, mais une mesure de bon sens, notamment dans les pe- tites et moyennes communes où les besoins en milieu de nuit sont nuls. Aussi, les communes y voient-elles de nombreux avantages (des éco- nomies financières très substan- tielles, mais également une restau- ration de la qualité du sommeil, la préservation des écosystèmes et l’observation des étoiles).
On peut aussi intervenir sur le choix des lumières, réfléchir à la problé- matique des couleurs comme pour les LED. Il faut aussi éclairer uni- quement les surfaces utiles. Si le but est d’éclairer le trottoir, inutile de diffuser de la lumière dans les airs ou dans la forêt autour. C’est pourquoi la réglementation limite désormais très fortement la propor- tion de lumière permise au-dessus de l’horizontale.
Cependant, des conflits d’usages peuvent persister quand il est question de mise en valeur des bâtiments ou des jardins (par exemple, avec des éclairages en contre-plongée). Il faut aussi faire face à l’argument de la sécurité des déplacements qui revient très fréquemment. En réalité, on peut faire beaucoup sans perdre ni en confort ni en sécurité. Jusqu’à pré- sent, on a éclairé sans se poser de questions. Si on se pose déjà ces
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questions, on peut réduire facile- ment et drastiquement la pollution lumineuse.
Dans les faits, quelles sont les mesures appliquées dans les territoires ?
La réglementation sur l’éclairage nocturne en France est l’une des plus ambitieuses au Monde.
Les avancées sont donc importan- tes sur le papier, le problème reste l’application de ces mesures, et la faiblesse des moyens de contrôle. Beaucoup de gens ignorent encore l’existence de cette réglementation dont certaines mesures remontent pourtant à 2012-13, c’est-à-dire à presque 10 ans !
Certains publics pensent aussi qu’ils ne sont pas concernés, par exemple les particuliers, alors que ces éclairages sont, eux aussi, dé- sormais réglementés (par exemple, pour éclairer l’entrée de son ga- rage ou le cheminement autour de sa maison). Dans les faits, si la ré- glementation était tout simplement
POUR LA MISE EN ŒUVRE D’UNE TRAME NOIRE
En 2007, le Grenelle de l’environnement a développé la notion de corridor écologique, qui articule les problématiques de protection de la biodiversi- té et d’aménagement des territoires, en prenant en compte un réseau de trames verte et bleue pour assurer les continuités écologiques de la préser- vation des espèces dans les milieux terrestres et aquatiques. C’est sur ce modèle que se développe l’idée de trame noire, qui vise, quant à elle, à pré- server l’environnement nocturne, compte tenu des dégradations liées à la lu- mière artificielle. L’Office français de la biodiversité vient de publier un guide téléchargeable gratuitement (1), auquel Romain Sordello a collaboré, pour comprendre les enjeux méthodologiques et techniques de ce nouvel outil de planification et de coordination pour lutter contre la pollution lumineuse.
(1) https://inpn.mnhn.fr/docs/trame_noire/guide_trame_noire_ofb_ums_ cpa39.pdf
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