Page 36 - Rebelle-Santé n° 233
P. 36
SOCIÉTÉ
On peut toutefois espérer que l’étiquette environne- mentale se mette en place à la suite de la loi de février 2020. Ces informations aideraient le consommateur à mieux prendre conscience des enjeux sociaux et environnementaux derrière les produits. Néanmoins toutes les marques, y compris celles de la fast fashion, ont aussi pris la mesure des conséquences d’une telle catastrophe sur leur image et assimilent la nouvelle pression des consommateurs pour une mode plus écoresponsable. Elles font aussi des efforts de manière globale pour revoir l’éthique de leur chaîne de valeur. C’est une tendance générale.
Comment distinguer une démarche éthique d’une opération de communication, de greenwashing ?
Le greenwashing, c’est quand, par exemple, une marque de fast fashion propose 30 articles de sa collection en coton biologique ou sous un label écores- ponsable alors que la collection comporte des dizaines de milliers de références. Une démarche éthique à l’in- verse se traduit sur l’ensemble d’une collection et de la chaîne de production, depuis le choix de la matière première, la confection jusqu’au devenir du vêtement en fin de vie, en passant par les conditions de travail des ouvriers, qu’ils soient en France ou en Asie.
Quel rôle jouent les labels ?
Bien sûr, les labels sont intéressants pour aiguiller les consommateurs. Pour autant, une marque non label- lisée peut être éthique. Les labels coûtent cher et les petites boîtes ne peuvent pas se payer le luxe d’une labellisation. À l’inverse, un grand groupe propriétaire d’une marque de fast fashion peut financer la labelli- sation de certaines pièces de ses collections.
Consommer écoresponsable coûte cher : comment responsabiliser le consommateur ?
Consommer écoresponsable a un coût. Pour autant, il ne faut pas non plus culpabiliser le consommateur en diabolisant la consommation de mode. Ce serait utopique d’imaginer tout le monde arrêtant d’acheter du neuf ou consommant uniquement des vêtements écoresponsables ou de seconde main. Néanmoins, on peut commencer par investir pour les pièces les plus basiques de son vestiaire dans des vêtements écoresponsables et de meilleure qualité qui dureront plus longtemps. Mon but n’est pas de décourager les gens, mais au contraire d’ouvrir des perspectives. Au niveau individuel, chaque geste compte. Quand on donne, qu’on loue ou qu’on revend un vêtement, c’est un comportement écoresponsable. Quand on se ren- seigne sur la composition ou la fabrication aussi. On peut commencer par s’interdire les matières issues de la pétrochimie, faire tourner une machine à 30° plutôt
qu’à 40°, étendre le linge sans sécheuse, apprendre à coudre pour faire soi-même de petites réparations : toutes ces petites actions au quotidien participent de la consommation globale. Si j’ai un conseil à donner, surtout, c’est de ne pas laisser les vêtements dormir dans les armoires. Au bout d’un an, si un vêtement n’est pas porté, il faut en faire quelque chose !
Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire sur la mode ?
Cette crise a été brutale pour toute l’industrie. L’arrêt a mis toutes les marques face à leurs stocks. Certaines les ont utilisés pour confectionner des masques et favoriser des opérations de surcyclage. Dans l’immé- diat, les grands groupes de la fast fashion ont été pris de court, ils ont annulé des dizaines de millions de commandes mais ils ont de la trésorerie pour se rattra- per dans l’avenir. En Asie, la conséquence, ce sont des milliers de travailleurs au chômage et sans protection sociale. Pour les plus petites marques dont les trésore- ries sont fragiles, la situation est plus problématique, surtout pour les entreprises qui n’avaient pas accès au commerce en ligne.
La crise a-t-elle sonné le glas de la fast fashion ?
Difficile à dire, car même s’il y a une prise de conscience, que les industriels ont envie d’évoluer, que les consommateurs sont prêts à accueillir une mode plus écoresponsable, on reste dans une dua- lité. Si certains ont profité du confinement pour ran- ger leur placard et se mettre à la couture, on a aussi observé une ruée à la réouverture des magasins. Dans ce contexte économique difficile, légiférer n’est pas non plus la priorité du gouvernement. Reste qu’à côté de la crise sanitaire, il y a une crise climatique ma- jeure à laquelle il faut faire face. La note positive, c’est que la plupart des nouvelles marques qui se lancent aujourd’hui intègrent dans leur schéma cette notion d’écoresponsabilité. Une mode plus éthique, c’est la tendance de l’avenir !
Propos recueillis par Lucie Servin
Mode Manifeste, s’habiller autrement, Magali Moulinet- Govoroff, illustration Alice Meteigner.
Éd. de La Martinière 192 pages
14 x 22,5 cm
25 €.
36 Rebelle-Santé N° 233