Page 35 - Rebelle-Santé n° 233
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  qui copient le luxe, autant le luxe doit créer les nou- velles tendances. À cette cadence, les créateurs de- viennent fous. Les burn-out se multiplient. On se sou- vient du suicide d’Alexander McQueen ou encore du naufrage de John Galliano.
Aujourd’hui, avec ce nouvel engouement de la mode écoresponsable et la crise liée au confinement, le luxe est en phase d’introspection pour se recentrer sur ses valeurs créatives. Gucci et Yves Saint Laurent se sont retirés des calendriers de la Fashion Week. De nouveaux créateurs et créatrices émergent. Stella McCartney est considérée comme une pionnière. Quand elle a lancé sa marque écoresponsable en 2001, tout le monde la considérait comme une marginale. Aujourd’hui, c’est une reine.
Quand l’impact de matières supposées naturelles comme le coton ou la laine se révèle également dramatique pour l’environnement : c’est difficile de s’y retrouver...
La pollution intervient à tous les niveaux. Avons-nous ainsi conscience qu’en mettant une matière synthé- tique dans nos machines, nous déversons des tonnes de microplastiques dans les eaux usées ? Une loi est passée, et en 2025 toutes les machines à laver devront être équipées de filtres spéciaux pour pallier cette pro- blématique. Toutefois, la pétrochimie, même si elle est encore très présente dans les marques de fast fashion, a tendance à sortir de nos systèmes de consomma- tion. Pour autant, en surproduisant du coton et en uti- lisant des quantités débridées de pesticides pour les cultures, on détruit aussi l’environnement. De même, l’élevage intensif nuit à la planète, sans oublier les controverses sur le bien-être animal. Le plus vicieux, ce sont ces clichés culturels véhiculés dans les médias ou la publicité qui consistent à dire que telle chose est douce parce qu’elle est enrichie d’une touffe de coton, saine parce que naturelle, confortable parce qu’il y a de la laine...
Mais il existe aussi des alternatives. La laine est de plus en plus contrôlée, ainsi que le cachemire : des réglementations interviennent sur les élevages. Pour être allée régulièrement au salon « Première Vision », je m’émerveille à chaque fois de toutes les nouvelles possibilités offertes par les innovations écorespon- sables, notamment les biotextiles. Par biomimé- tisme, on parvient à faire de la soie vegan ! Je suis même assez surprise de voir de nombreuses marques, y compris celles de la fast fashion, intégrer de nou- velles matières comme le Piñatex® (à base de feuilles d’ananas) dans leur collection sans forcément en faire la promotion, ce qui montre que c’est devenu nor- mal. Un changement s’opère, on voit également des matières désuètes revenir dans les collections comme
la jute ou le chanvre. Le lin fait ainsi son grand retour cette année, on en a eu cet hiver et on en aura encore cet été. Mélangé à d’autres matières naturelles, il de- vient moins froissable, moins rêche, c’est bluffant !
Y a-t-il un risque de s’enthousiasmer aveuglément pour toutes ces innovations ?
Il faut toujours se poser des questions. Dans le do- maine des nouvelles technologies, de nombreuses applications peuvent aider à limiter la surproduction quand il s’agit de créer, par exemple, un avatar pour essayer les vêtements de manière virtuelle. Mais il faut également avoir conscience qu’envoyer un mail a un coût environnemental. C’est pourquoi quand un com- merçant vous propose d’envoyer un ticket de caisse par mail à la place de sa version papier, à mon avis, c’est contre-productif. Tout est question de mesure et d’équilibre. Un avatar numérique est moins polluant que l’effet de la surproduction, à condition d’avoir conscience de la dimension énergivore du numérique.
En France, « la loi Rana Plaza sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre » est adoptée en 2017 en réponse à la catastrophe du 24 avril 2013, quand un plafond s’écroulait dans une usine-immeuble au Bengladesh causant la mort de 1127 ouvriers, et en blessant plus de 2000. A-t-elle fait bouger les lignes ?
Ce drame de grande ampleur a été très médiatisé et sur le long terme. C’est un peu un 11 septembre de la mode. À partir de là, les gens ont fait le lien entre la fast fashion, l’écologie et les conditions de travail liées à cette industrie. Au niveau gouvernemental, le lob- bying est important. Les lois qui sont votées sont surtout des lois d’incitation et sont très peu contraignantes.
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