Page 34 - Rebelle-Santé n° 233
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  RENCONTRE
La mode est devenue la deuxième industrie la plus polluante du monde, quel rôle a joué la fast fashion dans ce phénomène ?
La fast fashion qui a émergé dans les années 1970-80 en Europe et qui s’est imposée dans les années 1990, c’est la « mode jetable » : une offre sans cesse renou- velée et à moindre coût, permise par la délocalisation des usines, qui conduit à la dégradation des conditions sociales des travailleurs, à l’épuisement des ressources naturelles et à la pollution de l’environnement. Nous atteignons un point de non-retour. Entre 2000 et 2014, ce sont 100 milliards de vêtements qui ont été vendus chaque année dans le monde. N’importe qui peut se rendre compte en rentrant dans une boutique de fast fashion de la quantité des vêtements qui sont sur les portants ou de la masse déstockée ou bradée pendant les soldes. Il faut ainsi se poser la question de ce que deviennent les invendus qui disparaissent subitement pour être remplacés par une nouvelle collection.
Cette surproduction a des conséquences sur toute la chaîne : de la production de la matière première au devenir des vêtements en fin de vie. L’industrie de la mode est plus polluante que le transport aérien par exemple ! 10 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire un jean, plus de 5000 litres pour un pull, plus de 2500 litres pour un T-shirt. De plus, même si on sait qu’avec la délocalisation la plupart des vêtements sont produits en Asie, on ignore souvent qu’un vêtement peut parcourir plusieurs fois le tour de la planète avant d’arriver en magasin. 65 000 km parcourus pour un jean, c’est démentiel ! Sans parler du gâchis, peut-on imaginer les 4 millions de tonnes de vêtements qui sont détruits chaque année en Europe. C’est un pro- blème dont l’industrie a aussi conscience. En 2022, une loi devrait ainsi interdire aux marques d’incinérer
ou de détruire les invendus, elles devront donc trou- ver des solutions pour gérer ces stocks en s’appuyant notamment sur le recyclage ou le surcyclage.
Quelles sont les perspectives offertes par le recyclage et le surcyclage ?
Elles sont nombreuses à l’échelle individuelle ou industrielle. Le recyclage consiste à valoriser les dé- chets. Un vieux T-shirt peut servir à rembourrer un coussin ou être retransformé en matière première. Le surcyclage propose de travailler les tissus qui restent non utilisés dans les stocks des marques ou encore un vêtement déjà existant pour créer de nouveaux vête- ments. De plus en plus de marques s’engagent dans cette démarche. C’est un phénomène récent qui prend de l’ampleur et qui plaît beaucoup. Certaines marques ont été créées sur ce principe, on le voit même inté- grer les collections.
Les marques de luxe sont-elles plus éthiques ?
En s’imposant, la fast fashion a donné le tempo à toute l’industrie, l’idée étant de produire de plus en plus vite, de moins en moins cher, pour offrir sans cesse de la nouveauté. Le luxe, à la même époque, était en pleine période de transition. Avec l’arrivée d’une gé- nération de jeunes créateurs super-stars, les marques ont intégré des grands groupes de luxe comme LVMH ou Kering, qui ont mis la pression sur ces créateurs pour augmenter leur chiffre d’affaires et multiplier les collections. À côté des traditionnelles collections printemps/été et automne/hiver, pour satisfaire la de- mande, on a vu arriver des collections pre-fall de mi- saison, les collections croisières, métiers d’art, haute couture ou encore les collections capsules. Autant la fast fashion fonctionne avec une armada de stylistes
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© frozennuch - Pixabay
























































































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