Page 26 - Rebelle-Santé n° 219
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LA CHRONIQUE
de Pınar Selek
Libérer le corps, physique et psychique
« Être libre pour la liberté signifie avant tout être délivré, non seulement de la
peur, mais aussi du besoin. » (Hannah Arendt)
Quelquefois, nous n’avons pas besoin d’aller chez le médecin pour guérir.
Il nous suffit de prêter attention à notre corps. Oui oui, notre corps, dans son intégralité, au sens réel et symbolique: cœur, cerveau, mains, yeux... Et d’écouter ce qu’il nous dit, et d’y réagir concrète- ment, en prenant conscience que la vie est un cadeau magique qui n’est pas éternel. Camille S. a fait cela, elle a écouté son corps. Com- ment? Je vous raconte...
Assistante de direction dans un endroit très réputé, cette jeune femme travaillait, depuis huit ans,
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40 heures par semaine. Tout le monde était content de son travail, mais Camille avait l’impression d’être une esclave. Et comme tous les esclaves, elle ne se sentait pas bien : « Je ne dormais pas, prise de crises d’angoisses la nuit. Mon cerveau continuait à fonctionner... toujours en éveil. Jamais le droit de se lâcher. Parfois, je sombrais dans une spirale noire. Puis, je me ré- veillais en sursaut et je me trouvais prisonnière dans une cellule close, sans échappatoire possible. Mon corps tremblait, transpirait... »
Elle a fait ce cauchemar toutes les nuits pendant des mois. Elle finis- sait toujours par se lever et se réfu- gier au salon. Elle éclairait un coin
de la pièce, elle écoutait la radio, essayait de lire pour se calmer.
« Les mois se succédaient et ma fa- tigue, ma nervosité augmentaient. Mes nuits étaient de plus en plus courtes. J’ai fini par m’installer au salon pour ne pas déranger mon compagnon. Pendant des heures, je déambulais comme une somnam- bule dans notre petit appartement, tout en sachant que je ne pourrais pas tenir le coup encore longtemps. Je crevais de fatigue, de sommeil, de panique. Les nuits blanches me vomissaient en boucle les mêmes images, la même anxiété... J’étais en train de sombrer, de m’effacer... Je ne reconnaissais plus mon corps, mon visage.»