Page 44 - Rebelle-Santé n° 222
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CULTURE ET SOCIÉTÉ
    Légendes de Vendée, Maurice de la Pintière, 1958. Collection particulière
Les origines de la légende de Mélusine sont multiples et l’étymologie du mot reste indéterminée et com- plexe. Les figures de fées, par exemple, se réfèrent tout autant aux Parques antiques qui tissent les fils de la destinée, qu’aux anciennes traditions celtiques.
Jean d’Arras, quand il écrit Mélusine ou La Noble His- toire de Lusignan, reprend ainsi de nombreuses fables et récits oraux, un ensemble de croyances qu’il est impossible de retrouver aujourd’hui.
Chez les Romains, certains voient la racine du nom Mélusine dans la Mater lucina, une des formes de la déesse Junon, la mère des naissances.
De la nymphe au succube, de la serpente à la sirène, difficile de définir l’essence de Mélusine. Soulignons simplement que dans le récit de Jean d’Arras, Ray- mondin n’est pas horrifié en voyant sa femme avec une queue de serpent, mais affligé d’avoir rompu son serment. Nul ne viendrait remettre en cause à cette époque la facette merveilleuse du monde. Car si Mélu- sine est un « monstre », c’est d’abord au sens latin du terme, celui de montrer sans connotation de terreur. Elle est le monstre hybride, la femme serpente. Elle appartient à l’autre monde et ne peut séjourner parmi les hommes qu’en dissimulant sa nature surnaturelle. En cela, le mythe de Mélusine fait écho à toutes sortes d’histoires, que Georges Dumézil avait qualifiées de
« récits mélusiniens » au début du XXe siècle et qui se caractérisent par l’union temporaire d’un.e mortel.le avec une créature merveilleuse.
Ce sont, par exemple, les amours de Psyché et Cupi- don. Cette alliance est scellée autour d’un tabou, et amène des bienfaits fabuleux, jusqu’au jour où le pacte est rompu par la transgression de l’interdit. Les bienfaits s’évaporent. Tous ces récits avertissent ain- si de l’imperméabilité des frontières entre les deux mondes, comme celui des morts et des vivants. Pour- tant, à la différence de la plupart des récits mélusi- niens, Jean d’Arras fixe la légende de Mélusine dans l’histoire des Lusignan, c’est-à-dire dans le réel his- torique. À l’inverse de Cupidon, la fée continue à se manifester après le serment rompu, par le cri qu’elle pousse pour annoncer la mort de ses descendants.
De son séjour parmi les mortels en Vendée, la légende veut ainsi que Mélusine ait fondé des villes, des for- teresses, des murailles et de nombreuses églises et abbayes. Comme elle agissait en cachette et la nuit, quelques-unes de ses œuvres restaient inachevées.
Par la suite, les légendes se prolongent, et Mélusine hante de nombreux paysages, car si Mélusine édifie, le châtiment de la fée s’abat quand elle est en colère et détruit.
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