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le petit Journal de Rebelle-Santé
auparavant nombreuses. Les saisons ne sont plus les mêmes. Nous avons même passé 3 ans avec une capta- tion si faible que l’IFREMER (Institut Français de Recher- che pour l’Exploitation de la Mer) a décidé de préserver une souche d’huître en prévision d’une éventuelle épidé- mie ou même d’une disparition du mollusque.
C’est un peu inquiétant...
Oui, parce qu’une épidémie peut toujours arriver. En 1972, c’est l’huître portugaise qui a été atteinte. On pouvait voir des rochers entiers recouverts d’huîtres mortes. Et l’huître portugaise a aujourd’hui complète- ment disparu.
Avec les huîtres, on ne peut pas faire comme avec le sau- mon ou un autre poisson d’élevage : on ne peut pas inté- grer dans l’eau du Bassin tous les nutriments en bonne proportion pour favoriser leur croissance. On est com- plètement soumis aux aléas du climat et de la nature.
À quel endroit sont vos huîtres dans le Bassin ?
Nous avons plusieurs endroits, équivalant en tout à 3 hectares de parc. Comme dans la vigne, il y a des bonnes parcelles, et pour cela, il faut être en première ligne.
En première ligne face à l’Océan ?
Les premières lignes sont le long du chenal, le chenal étant la voie d’eau qui permet la circulation des eaux en- tre le Bassin et l’Océan pendant les marées. Ces zones sont plus riches en planctons.
Sur vos 3 hectares, quelle quantité d’huîtres produisez- vous ? Environ 100 tonnes par an.
Cela représente combien d’huîtres ?
Je ne peux pas vous dire. Tout dépend de la taille des huîtres produites. Et je n’ai pas les chiffres. Quand une huître atteint le poids de 45 à 65 grammes, au bout de 3 ans, elle devient marchande.
Allez-vous de temps en temps sur les parcs ?
Oui ! (sourires). Maintenant un peu moins avec la dégus- tation. C’est un travail dur, surtout l’hiver. On travaille courbé, dans le froid, et notre corps nous rappelle qu’il est là, même si nous ne sommes pas très âgés.
Mangez-vous des huîtres ?
OUI ! Tous les jours. Et puis je teste les lots. Je ne mets jamais une série d’huîtres en consommation sans y avoir goûté. Il y a des sucrées, des charnues, des plus croquantes.
La saveur est-elle en fonction du positionnement du parc et des courants ? Oui, exactement. La saveur dépend aussi du travail. Une huître qui est souvent touchée et manipulée est plus charnue. On remue alors les sacs, on les repositionne. Et quand la période des moules arrive, on les ramène au sol.
Pourquoi ?
La moule est un prédateur pour l’huître. Le naissain (ensemble de larves) de moules se colle sur les sacs. Les moules ont un pied qui leur sert à se fixer. S’il est trop important, il étouffe les huîtres.
Comment faites-vous, alors ?
Comme il est impossible d’enlever les moules manuelle- ment, on plonge la poche d’huîtres dans l’eau bouillante pendant 3 secondes. La moule meurt alors que l’huître résiste. C’est un très gros travail, difficile physiquement.
Cette opération vous oblige à ramener toutes les poches à terre ? Avant, c’était le cas. Maintenant, on a acheté une bouillotte que l’on garde sur le bateau. On fait bouil- lir la totalité des poches 2 fois dans l’année (environ 10 000 poches). Cette opération peut se faire à terre ou sur le bateau.
Plus les années sont pluvieuses, plus il y a de nourriture dans les bassins. Les moules délaitent beaucoup à ce moment-là et font beaucoup de petits. Aux mois de juillet et août, les huîtres aussi délaitent et les bébés ne vont pas aller forcément sur les zones de captage. Ils peuvent se coller sur d’autres huîtres mar- chandes et les abîmer.
Combien d’heures travaillez-vous par jour ?
On ne compte pas. Si les personnes venaient avec nous et se rendaient compte du travail qu’on effectue quoti- diennement, elles trouveraient que l’huître n’est pas une protéine chère. Mon mari est parti à 7 heures ce matin et va rentrer vers 20 heures.
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