Page 15 - Rebelle-Santé n° 235
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    Les enfants élevés dans des fermes bio au contact du bétail, du foin et du lait non pasteurisé ont un meilleur système immunitaire
lait non pasteurisé. On sait que le microbiote se construit entre 0 et 2 ans, c’est pourquoi il est impératif de mettre les enfants dès leur plus jeune âge aux contacts des « old friends », les vieux amis des hu- mains, tous ces microbes qui per- mettent de développer le système immunitaire. L’excès d’hygiène et la standardisation de l’alimentation ont créé de nouvelles pathologies, comme les allergies, le diabète et l’obésité, qui sont liés à des dé- sordres du système immunitaire et à des réactions inflammatoires ex- cessives. Or, ce sont ces mêmes dé- sordres qui constituent les facteurs de comorbidité de la Covid-19. Ce que les scientifiques appellent « l’hypothèse de la biodiversité » pourrait aider à comprendre pour- quoi des communautés rurales afri- caines ou asiatiques développent moins de formes graves face au coronavirus. De même, l’épidémio- logiste André Garcia montre que les helminthes, ces vers intestinaux omniprésents en Afrique, peuvent aussi inhiber des réactions inflam- matoires et allergiques s’ils sont présents à bas bruit.
La dangerosité des helminthes a néanmoins déterminé une campagne d’éradication par l’OMS ?
Oui et cette campagne met mal à l’aise André Garcia. Même si les helminthes peuvent être dange- reux, notamment pour les femmes enceintes, on peut aussi les surveil- ler et soigner les surinfections. En les éradiquant, on prend le risque de créer de nouvelles pathologies comme l’asthme ou des allergies. C’est le problème des logiques de guerre totale qui prévalent dans les campagnes de santé à l’occi- dentale. On fait la guerre contre les bactéries, les virus, les can- cers avec toutes les dérives qu’en- traîne la « biosécurité », comme les abattages en masse du bétail à la moindre alerte sanitaire au risque de créer de nouveaux problèmes.
 ont été créés pour répondre aux risques d’émergence, comme l’explique le virologue Gaël Ma- ganga, spécialiste des virus des chauves-souris, qui travaille dans un P4 à Franceville au Gabon. Ce dernier, par exemple, a été fondé pour surveiller les évolutions du virus Ebola. Pour l’instant, un vi- rus comme Ebola ne se transmet que par les fluides, mais imaginez qu’il mute et se transmette par les voies aériennes... Il est donc capi- tal de le surveiller. Avec un taux de létalité entre 50 et 80 %, c’est un autre niveau que la pandémie de la Covid-19 qui tue moins de 0,1 % des personnes contaminées. Le problème est aussi que ces labora- toires sont potentiellement dange- reux et que la recherche s’oriente presqu’exclusivement vers les programmes de séquençage des génomes de ces nouveaux virus pour constituer des virothèques, avec à la clé une rentabilisation éventuelle par des brevets. Or, col- lectionner des millions de virus ou bactéries revient à chercher une ai- guille dans une botte de foin si on ne sait pas reconnaître les facteurs et les risques d’émergence.
Les scientifiques établissent aussi un lien entre les maladies chroniques non transmissibles et la perte de biodiversité. Quel est le rapport avec
la pandémie actuelle ?
Nous sommes confrontés à un double phénomène : en plus de l’émergence de nouvelles maladies infectieuses de plus en plus nom- breuses, il y a ces maladies chro- niques qui tuent beaucoup plus que le coronavirus et auxquelles on s’est habitué. Or, la destruction de la biodiversité signifie davantage d’exposition aux agents pathogènes en même temps qu’elle augmente notre vulnérabilité. De nombreuses études démontrent que la biodiver- sité stimule le système immunitaire enmêmetempsqu’elleenrichitet diversifie le microbiote intestinal. Au moment où le président Macron comparait les écolos aux Amishs, je lisais justement une étude qui expliquait pourquoi les Amishs n’ont pas d’asthme, ni d’allergie, ni de diabète. D’autres études améri- caines font le même constat sur des enfants élevés dans des fermes bio au contact du bétail, du foin et du
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