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    La déforestation est le premier facteur d'émergence de ces nouveaux virus
 procure un beau paysage, comme un supplément d’âme.
Nous dépendons intimement de la biodiversité pour vivre. C’est très concret. Il existe des mécanismes bien réels. Si on perturbe les éco- systèmes, on se met en danger.
L’« effet dilution » est une mécanique qui se retrouve partout ?
Il a été très bien démontré pour toutes les maladies vectorielles. Si la mécanique est méconnue du grand public, elle ne concerne pas seulement les animaux. L’effet dilution a, d’ailleurs, d’abord été observé pour les végétaux dans les champs de monoculture. Comme le montre l’agronome Christian Lannou, de l’INRAE (Institut natio- nal de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), dans un champ de blé, l’uniformité de l’espèce cultivée encourage la prolifération du champignon res- ponsable de la rouille.
Comment d’un virus émergent arrive-t-on à une pandémie ?
Ce n’est évidemment pas parce qu’un virus sort du bois qu’il y a obligatoirement une pandémie. Pour que le virus d’une chauve- souris s’adapte aux humains, il faut des intermédiaires, des ponts épidémiologiques et qu’ensuite le virus circule. La déforestation crée des territoires d’émergence, il existe ensuite des facteurs d’ampli- fication liés à l’élevage intensif, l’urbanisation et la globalisation. L’exemple du virus Nipah, qui a émergé en 1997 en Malaisie, est très parlant. Après que l'on a rasé la fo- rêt primaire de Bornéo pour faire de la monoculture de palmiers à huile, les chauves-souris ont fui. Cette espèce frugivore s’est donc rabattue sur les côtes de Malaisie et notam- ment sur les vergers de manguiers plantés au milieu de mégafermes de porcs, un élevage industriel des- tiné exclusivement à l’exportation. Or, les chauves-souris sont les seuls
mammifères volants. Elles ont ainsi développé un système immunitaire extrêmement performant et sont devenues une espèce réservoir pour de nombreux agents pathogènes. Les études montrent aussi que, quand elles sont stressées, elles excrètent d’autant plus ces agents pathogènes. En allant manger les mangues de ces vergers, elles ont contaminé les porcs, puis les ou- vriers agricoles, puis les employés des abattoirs de Singapour, avant qu’on réalise le danger de ce foyer épidémique.
« L’épidémie de coronavirus était non seulement prévisible mais prévue ». Pourquoi ?
Les risques d’émergence sont connus depuis longtemps, au moins depuis la Conférence de Washington en 1989, comme l’ex- plique l’épidémiologiste américain Stephen Morse. Ils ne concernent pas seulement le Sars-CoV-2, mais
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