Page 20 - Rebelle-Santé n° 199
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la chronique de pinar
les femmes qui ne connaissent rien à la gynécologie et qui parlent d’elles- mêmes à longueur de journée. Qui plus est, le docteur Karma est l’anti- thèse du médecin froid, technicien d’élite, auquel elle s’identifie. Sou- cieux de « soigner », de comprendre et de respecter ses patientes venues de tous horizons, il ne se place pas dans un rapport de supériorité avec elles. Sa médecine soigne les corps, écoute les âmes, soulage la douleur, respecte la personne, ne juge pas. Il soigne, tout simplement. Mais il soigne rigoureuse- ment.
Longtemps, la jeune interne n’écoute pas, ne comprend pas, n’entend rien des sujets qui emplissent ses journées :
mal aux seins, règles, maux de ventre, migraines, nausées, contraception, désir, rapport sexuel, couple, plaisir, grossesse, avortement, fausse couche, accouchement, maternité, viol, in- ceste, ménopause... Et puis, au fil des consultations, elle apprend à écouter ce chœur de femmes qui livrent leurs questions, leurs peurs, leurs douleurs, leurs maux, leurs bonheurs aussi... et elle découvre. Elle comprend que ce ne sont pas ses maîtres qui lui appren- dront son métier, mais les patientes elles-mêmes. Elle révise ainsi ses pré- jugés et se rapproche d’une pratique médicale respectueuse, humaine.
Pınar Selek
Martin Winckler, Le Chœur des femmes, Paris, Gallimard, 2009.
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Winckler : soignant, écrivain et humain
Je n’ai pas été étonnée d’apprendre que ce livre avait été écrit par un médecin fervent défenseur d’une autre médecine où le respect de l’individu est une vertu principale. Marc Zaffran, né en 1955 à Alger, est un médecin français, connu sous le pseudonyme de Martin Winckler, romancier et essayiste. Installé au Québec, il tient un site Internet sur lequel il diffuse des informations médicales, n’hésitant pas à remettre en cause la culture domi- nante du corps médical, le rapport
de supériorité condescendante, voire méprisante et inhumaine souvent entretenu à l’égard des patients. La violence de ce rapport de pouvoir a tendance à être plus grande encore quand il s’agit des patientes. le chœur des femmes montre à quel point, en matière de contraception et d’avorte- ment, le comportement des médecins reste dicté par des réflexes moralisa- teurs, voire répressifs.
Il me semblerait très utile que tout le monde, médecins et patient.es, lisent ce livre. Parce qu’il déconstruit, avec la grande force de l’humour, la barrière
a priori infranchissable entre médecin et patient. « La seule différence entre Dieu et un médecin, c’est que Dieu ne
se prend pas pour un médecin. » dit M. Winckler, et Karma, son personnage attachant, ajoute : « le soignant, c’est celui à qui le patient prend la main. »
C’est rassurant de savoir qu’il y a des personnes comme Martin Winckler. Oui, je n’ai pas dit des médecins mais des personnes. Parce que, dans tous les métiers, dans toutes les relations sociales, nous avons besoin de per- sonnes tournées vers les autres, qui prennent soin des autres. Mais dans le domaine des soins, cela semble plus indispensable encore.
le chœur des femmes donne de l’es- poir, pas seulement dans le domaine de la santé, mais pour l’avenir de l’humanité.
p. s.


































































































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