Page 15 - Rebelle-Santé n° 193
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philosophie
En 10 ans, on a vu les étals de librairies se cou- vrir de livres sur la méditation, avec des « tech- niques », des « méthodes », des résultats d’ex-
périences scientifiques... Fabrice Midal n’enseigne pas de techniques, ne donne pas de mode d’emploi, n’écrit pas de manuel ; sa pratique de la méditation est un art de vivre, une manière d’accepter d’être tel que l’on est, de ressentir ce que l’on ressent au moment où on le ressent, même si c’est de la colère ou du chagrin. D’essayer simplement d’être ouverts à ce qui nous entoure. Aujourd’hui, avec son dernier livre, il nous invite à faire preuve de bienveillance à l’égard de nous-mêmes, en nous foutant simplement la paix...
De l’intelligence
On peut tout à fait suivre des règles sans pour autant qu’elles nous empêchent de les dépasser, de remettre en cause les idées reçues, de rompre les habitudes...
Fabrice Midal nous encourage à ne pas confondre formation et formatage. Beaucoup de règles méritent sans aucun doute d’être suivies, mais prenons le risque, pour savoir si c’est le cas, de nous poser la question et de faire confiance à notre ressenti avant de les appliquer aveuglément.
Par exemple, on nous rabâche depuis des lustres l’importance de prendre un bon petit déjeuner tous les jours. J’ai connu une journaliste qui, pendant des années, s’est forcée à manger le matin. Elle était en surpoids, avait des malaises... Jusqu’au jour où un nutritionniste lui a proposé de ne pas manger quand elle n’avait pas faim, même si c’était le matin. Elle a supprimé son petit déjeuner, a perdu 10 kilos en un an et a retrouvé une incroyable énergie. Des chercheurs de l’Université de l’Alabama ont analysé plus de 50 études menées depuis 1990 sur l’incidence du petit déjeuner sur la santé. Eh bien, devinez ? Il en ressort que ces études sont très peu fiables et très mal interprétées, ce qui n’empêche pas la plupart des nutritionnistes de reprendre, en chœur, leurs analyses faussées montrant que, sans petit déjeuner, point de salut. Et vous l’aurez sans doute remarqué, ces études sont très utiles aux fabricants de céréales raffinées, bourrées de sucre, et aux fabricants de produits laitiers, qui n’hésitent pas à les utiliser pour mettre en avant leurs produits.
Le bon sens ne serait-il pas de manger quand on a faim ? Quand on n’a pas faim le matin, il n’y a aucune raison de se forcer, ni de forcer nos enfants si leur système digestif (souvent « débordé » au cours de la journée) veut prolonger sa pause de nuit. Et si, au contraire, on en ressent le besoin, aucune raison de se priver de petit déjeuner. Réfléchir et s’autoriser à sortir des idées reçues, c’est aussi ça se foutre la paix...
De l’enthousiasme
« La sagesse est un chemin et non un but », nous dit Fabrice Midal. Se référant à Nelson Mandela ou au Bouddha, il rappelle qu’ils « n’étaient pas lisses, ces héros de la sagesse ! Ils ont bousculé leur univers ordonné, ils se sont mis en colère, ils ont pleuré, ils ont dit non, ils ont réfléchi concrètement aux problèmes du quotidien et aux solutions à leur trouver ».
Être ce que nous sommes, sincèrement, voilà la vraie sagesse : être un peu plus vivant et plus engagé dans ce en quoi on croit, retrousser ses manches. Et il y a de quoi faire aujourd’hui. Pensez aux nombreux réfugiés qui affluent d’Afrique, de Syrie, d’Érythrée ou d’Afghanistan, de tous ces pays en guerre où les bombes et la famine font des ravages. Lequel d’entre nous peut trouver juste de les laisser mourir sans rien faire ? Pourtant, on peut se contenter de regarder cette crise à travers nos écrans, et même se laisser aller à lutter contre l’arrivée de ces exilés, effrayés à l’idée d’une « invasion », à l’idée d’accueillir des gens « différents »... Ou bien on peut décider de surmonter ses craintes et son égoïsme et de leur porter secours, de soutenir les citoyens accusés de « délit de solidarité » qui leur viennent en aide. N’est- ce pas la « non-assistance à personne en danger » qui mérite condamnation ? C’est à chacun d’entre nous de faire preuve de sagesse en réfléchissant à ce qui nous semble le plus juste, et d’agir alors en ce sens, avec tout l’enthousiasme dont on est capable...
Évidemment, on est loin de l’image du sage confortablement assis sur son coussin. Mais on est en paix avec soi-même. En paix, ce qui ne veut pas dire calme, un adjectif que Fabrice Midal n’aime pas : « Ce calme que l’on nous vante est aux antipodes de la vie. » Le calme, c’est l’absence de vent qui bloque les marins en mer. À cet ennui, Fabrice Midal préfère la paix, qui « implique un effort pour que tout soit rassemblé avec justesse ».
et De l’imperfection
Se foutre la paix, c’est aussi admettre de ne pas être tout puissant. Il faut accepter de ne pas pouvoir tout résoudre pour tout le monde. À l’impossible nul n’est tenu. Et savoir se contenter de « faire sa part », du mieux que l’on peut, voilà qui est sage. Vouloir être parfait, c’est refuser l’échec qui nous fait progresser. Fabrice Midal cite Thomas Edison qui aura « raté » 1000 ampoules avant de créer la bonne. On a le droit de se tromper, d’échouer, de trébucher, sans se maudire pour autant. Sinon, c’est la double peine ! Et ces embûches nous font progresser. Alors contentons-nous de faire de notre mieux avec les moyens dont nous disposons sans nous en vouloir de ne pas atteindre la perfection.
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