Page 27 - Rebelle-Santé n° 209
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LA CHRONIQUE DE PINAR
touchées en 2012. Presqu’un adulte sur deux touché par l’obé- sité vit avec des revenus inférieurs à 1200 € mensuels contre 7 % de ceux qui gagnent plus de 5300 € par mois. Il est parfois très difficile de mincir, même en faisant beau- coup d’efforts et même en sachant combien le surpoids est facteur d’ennuis de santé... Et, en plus, quand on a des kilos en trop, on est souvent bien mal traité. À cause descanonsactuelsdelabeauté,qui nous obligent à être mince... Ne serait-cequepouravoiraccèsàun large choix de vêtements. L’obésité est source de discrimination, même s’ils’agitsouventd’unediscrimina- tion invisible.
LA GROSSOPHOBIE
Pour preuve que la discrimination envers les gros est invisible, le mot « grossophobie » n’existe pas dans les dictionnaires ordinaires. En écrivant cet article, mainte- nant, mon ordinateur me signale une faute : il souligne en rouge le mot « grossophobie ». C’est in- croyable : l’une des discriminations les plus répandues n’a pas de nom. Le niveau de cette discrimination va jusqu’à sa non-reconnaissance, jusqu’à un certain déni de fait. Alors, je la rends visible au moins sur mon ordinateur : je clique sur « ajoutez au dictionnaire ». Il faut le faire, mais pas uniquement sur nos ordinateurs, faisons-le dans tous les espaces de discrimination.
Jusqu’à cette année, ce mot n’exis- tait pas dans la langue française telle qu’elle est validée par l’Aca- démie. Cependant, il y a eu un premier pas, symbolique mais im- portant : en 2019, Le Petit Robert va définir la grossophobie comme une « attitude de stigmatisation, de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids ».
Sur mon bureau, il y a une bro- chure de Gras Politique, un col- lectif de lutte contre la grosso- phobie. Je l’ai lue attentivement.
Voici comment y est définie cette discrimination : « La grossophobie est une oppression spécifique aux personnes grosses. Elle s’appuie sur la base du body shaming2 subi par tout.e.s, mais s’exprime plus violemment et de manière sys- tématique envers les personnes grosses. » Si vous allez sur le site internet (www.graspolitique. wordpress.com), vous compren- drez comment la grossophobie s’exprime dans tous les aspects de la vie quotidienne : regard jugeant, difficultés amoureuses, pressions sexuelles, transports en commun peu adaptés, espace public hostile, difficulté à l’embauche, non pro- duction de beaux vêtements au- delà de la taille XL...
Pour mieux comprendre cette dis- crimination mal connue, je vous conseille de lire "Gros" n’est pas un Gros Mot (Éditions Librio, 2018), écrit par Daria Marx et Eva Perez- Bello, les co-fondatrices du collec- tif Gras Politique, qui analysent en détail le sujet : « Comment la gros- sophobie s’exprime-t-elle ? Com- ment se construit-elle ? Comment être un.e bon.ne allié.e ? Comment ne pas fabriquer de grosses et de gros en ayant peur du gras ? »
ET DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ ?
Dans le réseau du collectif Gras Politique, on parle souvent de la « grossophobie médicale ». Les personnes en surpoids racontent des histoires terribles. Les victimes de ces discriminations sont con- seillées et encouragées à se dé- fendre : « Ne te culpabilise pas, un.e médecin doit savoir recevoir, soigner tous et toutes les patient.es, de manière objective, c’est son mé- tier, c’est la loi. »
Oui, c’est la loi. L’article L. 1110-2 de la Loi du 4 mars 2002 relative
aux droits des malades dit que toute personne malade a droit au respect de sa dignité.
L’expérience des victimes montre que la grossophobie médicale se manifeste sous une multitude de formes : difficultés à passer des exa- mens, manque de matériel médi- cal adapté aux patient.e.s (tables médicales, tunnels de scanners et d’IRM ou tensiomètres à leur taille). Les personnes grosses racontent comment elles subissent sans arrêt la discrimination et l’infantilisa- tion. Elles demandent une vraie écoute de la part des soignant.es : « Les gros·ses ne mentent pas par essence. Nous avons besoin de la confiance des soignant.es et du respect de notre volonté. »
Soyons plus attentifs à la grosso- phobie et parlons-en... pour contri- buer à sa disparition.
Pınar
Notes : 1 - Étude ObÉpi « Enquête épi- démiologique nationale sur le surpoids et l’obésité 2012 ». 2 - Body shaming : terme anglais mais à l’utilisation internationale pour désigner les injures, les mo- queries ou les humiliations que su- bit une personne de la part d’une autre personne ou d’un groupe d’individus (souvent sous forme de mots cruels), à cause de son appa- rence corporelle.
Article R4127-7 du Code de la Santé Publique
« Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non- appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. »
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