Page 52 - Rebelle-Santé n° 209
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ÉDUCATION
CULTURE
Paravent du Dieu du Vent et du Tonnerre. National Treasure, Tawaraya Sôtatsu, Wind God and Thunder God (left screen), Edo period, 17th century, Kennin-ji Temple, Kyoto.
révèlent les savoir-faire d’une des plus grandes écoles historiques pour la peinture et les arts décoratifs japo- nais sans oublier le paravent du Dieu du Vent et du Tonnerre, désigné « Trésor national » au Japon, exposé en Europe pour la première fois.
L’ENGOUEMENT ZEN
Peut-on parler de néo-japonisme ? Diffuse, l’influence de la culture japonaise est plurielle et s’exprime à tra- vers la gastronomie, le cinéma, les jeux vidéos, les des- sins animés, la littérature, les mangas... Elle traduit la continuité et l’intensification des échanges, mais aussi l’éclatement et le foisonnement des esthétiques nées de l'interpénétration culturelle. Aujourd’hui, le zen se décline dans tous les arts de vivre inspirant décors et design, pratique de méditation et développement per- sonnel, jusqu’à la caricature et l’argument marketing.
Une semaine du zen organisée au Théâtre de la ville à Paris du 2 au 6 octobre 2018 propose d’approfondir ses connaissances autour de cette philosophie pra- tique qui préside à la cérémonie du thé et à la calli- graphie, inspire les haïkus, s’incarne dans l’ikebana, l’art floral ou le théâtre nô, décide de l’architecture et des jardins.
De quoi donner l’idée de visiter le parc oriental de Maulévrier, un jardin japonais installé dans le Maine- et-Loire qui consacre une exposition de photographies et des activités en lien avec la saison « japonismes ». D’autres conférences portent sur des sujets très divers comme le programme de recyclage méconnu et parmi des plus rigoureux au monde, mis en place dans la ville de Kamikatsu en 2003. L'instauration d’un tri drastique catégorisant jusqu’à 34 types de déchets a réduit ceux-ci et fait économiser des frais à la ville, tout en favorisant la biodiversité.
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UN ARCHIPEL DE SPIRITUALITÉS
L’engouement zen dissimule souvent le caractère multiple des spiritualités japonaises nées d’un phénomène de syncrétisme très ancien à l’origine du shinto-bouddhisme, associant de nombreux rites Shinto, liés au culte des forces de la nature et des ancêtres, avec les cultes du bouddhisme, dont les doctrines, arrivées par vagues successives de Chine et de Corée, se diffusent dans l’archipel à partir du VIe siècle. Si le bouddhisme est déclaré religion d'État à la fin du VIe siècle, les traditions populaires shintos perdurent.
Le Musée des Confluences à Lyon propose, jusqu’au 25 août 2019, une initiation à ces spiritualités dans une exposition loin des poncifs, qui trace dans les col- lections du Musée un parcours à la rencontre de la di- versité du panthéon japonais et de la dramaturgie des rites, notamment dans les danses Kagura ou le théâtre Nô. En regard, les quelque 80 photographies en grand format de Charles Fréger, issues de la série Yokainoshi- ma, « l’Île aux esprits », selon un mot qu'il a inventé, affirment leur présence presqu’irréelle. Réalisée entre 2013 et 2015, cette série poursuit les recherches de l’artiste sur les mascarades célébrées dans les sociétés rurales du monde entier. Derrière ces masques, classés en fonction des saisons, autant d’histoires se jouent. Avec humilité, Charles Fréger explique : « Très sincère- ment, on n’y comprend rien, on ne peut pas se mettre à la place d’un Japonais, et il faut accepter de ne pas interpréter.» Il a élaboré tout un protocole de mise en scène pour épingler ces costumes en dehors des céré- monies, comme sur rendez-vous, mettant pourtant en lumière chaque silhouette dans un écrin d'esthétisme spirituel.