Page 14 - L'AVENTURE DE JABER
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L’Aventure de Jaber
LE CONTEUR, il prononce « Au nom de Dieu clément et miséricordieux » à voix basse, et quand il se met à lire on ressent clairement cette impassibilité se refléter dans sa voix et sur tous les traits de son visage. - Ô gens vénérables et généreux, le conteur, qui est al-Dinari - que Dieu le Très-Haut ait pitié de lui raconte...
LES CLIENTS. - Par Dieu ! Son âme est digne de pitié. - Amen.
- Les récits d’al-Dinari sont sans fin.
LE CONTEUR. - Le narrateur dit : « Il était une fois à Bagdad, un calife du nom de Chaabane al-Moqtader Billah. Il avait un vizir dénommé Mohamed al-Alqami. L’époque était agitée comme la mer. Les gens semblaient égarés : ils se couchaient dans un état et se réveillaient dans un autre. Ils étaient fatigués des bouleversements et des événements qui se succédaient sous leurs yeux. La situation explosait autour d’eux mais ils ne comprenaient pas pourquoi. Elle s’apaisait ensuite et ils ne savaient pas non plus pourquoi. Ils assistaient en spectateurs à ce qui se passait mais n’y participaient pas. Avec le temps, ils crurent avoir découvert le secret de la sécurité dans de telles époques, en furent satisfaits et organisèrent leur vie en fonction de ce qu’ils crurent être le moyen le plus sûr. »
Entrent cinq acteurs. Trois hommes et deux femmes. Ils représentent tous les habitants de Bagdad à cette époque. Ils s’approchent des clients et se répartissent devant eux.
HOMME 1.- Quand le calife siège sur le trône, nul ne demande avis ni conseil aux habitants de Bagdad.
HOMME 2.- Et quand le calife nomme son vizir, il nous ordonne de lui obéir.
LE CHOEUR. - Alors, nous lui obéissons.
HOMME 3.- Et s’il arrive que le calife s’irrite contre son vizir et qu’il le destitue ?
LE CHOEUR. - Alors, nous soutenons le calife et nous lâchons son vizir. HOMME 2.- C’est pareil pour le grand juge.
HOMME 3.- C’est pareil pour les généraux et les gouverneurs.
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