Page 21 - L'AVENTURE DE JABER

L’Aventure de Jaber
prend un ton dramatique et geignard.) Quelle déception !... C’est le vizir. Que les musulmans pleurent donc leur calife !... Je vois qu’on est en train de lui trancher la gorge. Le sang gicle comme d’une fontaine.
MANSOUR, perplexe, très embarrassé et gêné. - Je demande pardon à Dieu le Tout-Puissant !
JABER. - Cela signifie que nous montons en grade. Si la situation de notre maitre le vizir s’élève, celle de ses mamelouks aussi. Néanmoins, un seul tour ne suffit pas. Le véritable pari se fait en trois temps. Au deuxième tour maintenant. Lançons la pièce encore une fois. (Il lance la piastre avec agilité. Mansour essaie de la saisir au vol, mais Jaber l’attrape comme la fois précédente et la cache dans ses mains.) Mansour, aide-moi ! Dis quelque chose.
MANSOUR. - Je ne participerai ni à ton jeu ni à tes fantaisies. Le danger nous guette de partout et toi, tu joues. Rends-moi ma piastre.
JABER. - Attends, attends ! Il faut connaitre le résultat. Que dois-je dire maintenant ? Si le vizir réapparait encore, le jeu est terminé. (S’adressant à la piastre cachée dans ses mains.) Piastre, sur quel côté tu vas te poser ? Tu décideras du sort de tout un État. Je sais que tu as des caprices incontrôlables, mais le hasard peut faire que nous tombions d’accord. Je crois que tu penches du côté du vizir. Parions donc sur le vizir ! (À Mansour.) Viens voir ! (Il lève peu à peu la main.) De quel côté tu vas te montrer ?... De quel côté ?... De quel côté ?... C’est le calife. Un contre un... Reste un dernier tour dont tout dépend.
Jaber frotte la piastre et la relance, mais Mansour se précipite, la rattrape irrité et la met dans sa poche.
MANSOUR, en se retirant. - Que Dieu te maudisse !... Il n’y a pas de limite à ta bêtise.
JABER. - Il ne restait qu’un seul tour. Pourquoi tu nous gâches le jeu ?
Mansour s’éloigne sans répondre. Jaber se tourne vers les clients, s’apprêtant lui aussi à se retirer.
JABER. - Ah ! Si seulement je savais en quoi un différend entre le calife et le vizir peut le concerner ! (Il hausse les épaules et s’en va.)
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