Page 58 - Afrique Foncier juillet 2020
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Bénin
le représentant du roi des Xwla et Xwéla - peuples héritages fonciers également perceptible chez
autochtones- ; le représentant de l’imam central de les hommes, « on doit mettre des garde-fous » à
Ouidah ; sa majesté Kabiyessi Oba Adékoyi, roi des l’accès des femmes à la terre.
musulmans ;
Dah Daagbo Avimadjènon, le président de L’avis d’un accès conditionné des femmes à la terre
l’Association des chefs de collectivités (ACCO). est plus partagé et prononcé en ce qui concerne
les propriétés héritées de la collectivité. Baba Sikè,
Ceci est l’aboutissement d’une phase importante chef de sa collectivité est fermement opposée
du programme « Un seul monde sans faim » mise à tout bradage de bien de ce type. « Le bien de
en oeuvre par la Konrad-Adenauer-Stitfung (KAS) la collectivité ne se vend pas. On peut vendre les
et ses Ongs partenaires au Bénin dont WILDAF. biens hérités des propriétés acquises des individus
», soutient le dignitaire qui regrette que la loi ait été
Financé par le ministère fédéral allemand de la voté sans consultation des gardiens de la
Coopération et du Développement économique, le tradition. Plus incisif sur cet aspect, le président
programme mis en oeuvre dans les départements de l’Association des chefs de collectivités (ACCO)
du Zou et de l’atlantique a pour but, la lutte apprend que tout contrevenant à cette interdiction
contre la faim, la malnutrition et la pauvreté avec séculaire le paye de sa vie. « On ne vend pas. Tous
l’implication des femmes. « Dans le cadre du ceux qui ont vendu des terres appartenant à la
programme «Un seul monde sans faim», nous collectivité sont déjà sous ce sol sur lequel nous
voudrions faire en sorte qu’il n’y ait pas de faim, sommes aujourd’hui. La femme aura accès à la
de malnutrition et lutter efficacement contre la terre, mais pas question de vendre », insisté Dah
pauvreté », a déclaré Mounirou Tchacondoh, le Daagbo Avimadjènon qui sera appuyé par Dada
Coordonnateur de la KAS pour le Bénin. Dans Hounon Hounan 2, chef spirituel et chef suprême
sa démarche, dit-il, la fondation allemande s’est vodoun-Hwendo, roi des mers et des océans.
rendue compte de l’«importance de la femme
dans la performance de la production agricole » au Le mot des femmes
Bénin. Or, il se fait que « les femmes n’ont pas un Elles ont également eu leur mot à dire. Dans le
accès sécurisé à la terre » pour de multiples raisons débat posé. Et c’est avec leurs propres témoignages
notamment, coutumières. C’est pour cette raison, a qu’elles se sont prononcées. Fayinou Na Dan-non
fait savoir le coordonnateur de Konrad-Adenauer- est une prêtresse de Sakpata -dieu de la terre- et
Stiftung appuyée par la coordonnatrice nationale reine des Dan, divinité de prospérité symbolisée par
de WILDAF-Bénin, Françoise Sossou Agbaholou, le serpent. Particulièrement émue par le sujet du
que l’initiative de ce plaidoyer a été prise en droit d’accès des femmes à la terre, cette dignitaire
direction des têtes couronnées, dignitaires, chefs vodoun a elle-même été victime d’exclusion. Son
de culte, chefs coutumiers, chefs religieux, chefs de père dit-elle, était immensément riche avec de
collectivités et autres. vastes terres un peu partout. Mais, hélas, elle n’y
a pu rien hériter. « Notre père a eu beaucoup de
Le «Oui-Mais,» des chefs de la tradition bien et nous sommes 17 enfants. Si nous n’étions
Pas de doute, après avoir suivi l’exposé des que des femmes, devrions nous laisser toutes les
visiteurs et la projection du téléfilm « Pourquoi terres de notre père à un tiers qui a des hommes ?
pas les femmes ? » qui pose le problème porté à », a-t-elle interrogé le public.
leur connaissance, ils sont favorables à l’accès des
femmes à la terre. Mais, les uns après les autres, Brave pour sa part, Tangni Kakpo, fille ainée de sa
tous ont posé une condition : l’impossibilité de famille n’a pas laissé faire ses frères. « Dans ma
vendre des terres héritées de la collectivité. « La communauté, chez les Xwla et Xwéla, on dit que la
terre, c’est un sujet complexe. Mais, chez nous les femme ne doit pas hériter. Et, dans ma famille,
musulmans, les femmes ne sont mises à l’écart. Il mes frères se sont mis à vendre les terres de notre
n’y a rien où on n’implique pas la femme. La femme père sans m’en parler ni aux autres soeurs. Moi,
a un grand rôle dans chaque famille, les femmes aussi, je me suis levée et j’ai vendu une part de
ont droit d’héritage des terres », a d’abord rassuré, cocoteraies. Personne n’a eu le courage de venir
le vieux Kabiyessi Oba Adékoyi dans son apparat de me dire quoi que ce soit parmi mes frères de qui
dignitaire. « Pour ma part, la femme doit avoir droit j’ai aussi exigé de bien entretenir la maison familiale
à la terre de ses parents, mais, on doit lui interdire comme ils se plaisent à se dire dignes héritiers ».
de vendre. Elle l’exploite, mais dès qu’elle quitte, la Moins intrépide, Hounon Missihoun, une prêtresse
terre revient à la collectivité », a-t-il bémolisé. Pour vodoun estime qu’il faut y aller avec tact. « Je
le roi des musulmans qui se plaint du bradage des pense que nous avons droit à l’héritage, mais,
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