Page 5 - Shakespeare et la musique - Lundi 4 juin 2018 au Théâtre des Champs-Elysées

entièrement chanté, et c’est encore un sujet shakespearien : c’est Vénus et Adonis que John Blow, avant le Didon et Énée de son élève Purcell, com- posa pour la cour du roi Charles II. Là encore, il faut signaler que le livret, attribué à Anne Finch, Comtesse de Winchilsea, se distingue du poème de Shakespeare portant le même titre ; ici, c’est Vénus qui encourage Adonis à chasser le funeste sanglier, tandis que chez Shakespeare, elle cherche en vain à l’en dissuader ! Il n’en reste pas moins que la sublime déploration qui conclut l’œuvre est à la hauteur du poème. L’héritage de Shakespeare suit des voies sinueuses et complexes.
William Shakespeare : “If music be the food of love”, extrait de
Twelfth Night / La Nuit des Rois
If music be the food of love, play on;
Give me excess of it, that, surfeiting,
The appetite may sicken, and so die.
That strain again! it had a dying fall:
O, it came o’er my ear like the sweet sound, That breathes upon a bank of violets, Stealing and giving odour! Enough; no more: ’Tis not so sweet now as it was before.
O spirit of love! how quick and fresh art thou, That, notwithstanding thy capacity
Receiveth as the sea, nought enters there,
Of what validity and pitch soe’er,
But falls into abatement and low price, Even in a minute: so full of shapes is fancy That it alone is high fantastical.
Si la musique est pâture d’amour,
Jouez toujours. Donnez m’en à l’excès.
Que mon appétit saturé meure...
Cet air, encore une fois ! Sa chute est à mourir.
Il m’a touché l’oreille comme le doux vent
qui souffle sur un lit de violettes,
dont il vole et répand le parfum.
Assez, stop ! ce n’est plus aussi bon que tout à l’heure !
Ô esprit de l’amour ! si vif, si volage,
tes capacités sont à l’égal de la mer.
Rien n’y plonge, quels que soient sa valeur et son prix, qui ne dégénère et ne perde son mérite
au bout d’un instant : si riche en formes est l’imagination, que rien n’égale sa haute fantaisie.