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image, tout est dit. Tout est là. Sous nos feu d’artifice. Chacun, chacune rivalise d’un
pieds dorment les morts mexicains, ceux humour noir et même, grinçant : fillettes
de la colonie espagnole, de la conquête ensanglantées étreignant un couteau qui
et ceux des Toltèques ou des Aztèques qui dégouline d’hémoglobine, bébés dans des
s’installèrent ici avant eux. landaux, grimés en zombis, enfants dont
En fouillant le monastère, les archéologues la tête est traversée par les lames d’une
ont retrouvé les statues de Mixquixtli, paire de ciseaux, cerveaux dégoulinants,
déesse de la vie et de la mort, le jeu de pelote, femmes enceintes – pour de vrai ! - des
une figure de Chac Mool, dieu de la pluie ventres desquels jaillissent des créatures
toltèque qui porte sur le ventre un plateau hybrides, goules, monstres, le défilé
sans doute destiné à recevoir le cœur des continue, interminable. Dignitaires nazis
sacrifiés ou des offrandes. Un calendrier ressuscités, sosies morts-vivants du sous-
aztèque a été transformé en bénitier. commandant Marcos, rien ni personne ne
Comme si la conquête avait eu lieu hier. manque dans ce joyeux exercice d’exorcisme
Comme si nous étions au point zéro de la salvateur de toutes les hantises, de toutes
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fête des morts. les terreurs diurnes et nocturnes. Les pires
créatures qui sommeillent au fond de nos
3 novembre 2018. Passé Día de muertos, on imaginations, qui peuplent nos cauchemars,
pouvait imaginer que les chers disparus sont ici réduites à des figures comiques, à
avaient regagné leur dernière demeure des caricatures. Ce qui s’impose comme une
jusqu’à l’an prochain. On avait tort. Pour évidence, en ces dernières heures de la fête,
d’obscures raisons de calendrier, les c’est son ultime fonction sociale et sans
zombis qui déferlaient sur la capitale à doute la plus belle.
la fin octobre, en 2016, sont de retour Venir à bout de nos peurs.
aujourd’hui, toujours aussi nombreux, En tout premier lieu, de la plus primitive
toujours aussi allumés. d’entre elles : la peur de la mort.
A Mexico, la fête des morts et Halloween
ne s’additionnent pas, elles se multiplient Patrick Bard
et cette dernière manifestation prend des
allures de bouquet macabre à la fin d’un