Page 59 - Miettes
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cet endroit du corps, que son corps lui appartient et que personne
n'a le droit de la toucher à cet endroit, sauf sa maman ou les
personnes habituelles... quand elles la lavent.
Que si quelqu'un le fait, c'est mal, et qu'il faut en parler. On m’a
demandé de la préparer à l'entretien, de lui expliquer que je
l'emmène voir quelqu'un à qui elle pourra dire qu'elle n'a pas aimé
les chatouilles qu'on lui a faites, qu'elle a raison d'en parler car
c'est mal de faire des chatouilles comme ça à un enfant.
Je n'ai peut-être pas su dire ces choses à Eileen, j'étais très mal à
l'aise avec cette notion de « ce qui est mal » ; je craignais que cela
ne la culpabilise. Je crois que c'est ce qui s'est produit car elle
n'aura finalement jamais voulu répéter les mots qu'elle m'a dits,
pas même à moi, une fois que les chatouilles ont été cataloguées
comme quelque chose de mal.
Dans le même temps, elle a placé son père «de l'avion» au rang
d'icône, et alors qu'elle ne parlait que peu de lui, elle s'est mise à
dire à son papa de substitution et à quiconque voulait bien
l'entendre qu'elle lui préférait son autre papa, sans parvenir
toutefois à se rappeler de son prénom. Elle a commencé à le
réclamer, il s'est mis à lui manquer, elle se montrait inquiète pour
lui, avait besoin de m'entendre dire qu'il l'aimait, que c'était obligé
qu'il l'aime puisqu'elle était sa petite fille, qu'il pensait lui aussi à
elle...
Quand le sujet des chatouilles était abordé en consultation, elle
prétendait ne plus se rappeler, même à moi. Elle a cessé dans le
même temps de « jouer » aux chatouilles avec son poupon.
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