Page 59 - LUX in NOCTE n°1
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Revenu en courant, il grimpa et enfourcha le clocher de l'église du coin de la
Place Ronde. Après avoir inséré au fond de sa gorge le Dies irae grégorien, dans un
geste hérité d'une ancêtre mendiante qu’il tenait en odeur de seins tétés, il leva les
bras et les jambes vers le ciel. La réponse fut immédiate !
Un éclair le traversa de bas en haut en le vitrifiant le rendant ainsi parfaitement
transparent. L'ombre n’ayant pas eu le temps de s’enfuir fut dissoute dans la lumière.
Lui, resta accroché là-haut quelques années. Fonctionnant comme un prisme, il créa
des arcs en ciel qui émerveillèrent les enfants sortant du catéchisme en leur montrant
un bout de paradis. Mais, un hiver rigoureux eut raison de lui. Quelques larmes
agglutinées au coin de l’œil gelèrent. Au petit matin le verre se brisa et en tombant
se cassa en mille morceaux.
Voilà l’histoire que j'entonnais à voix haute dans la pensée, assis débout derrière
une fenêtre opaque au milieu de la rue. Manchot, je tendais mes deux mains gauches,
une attitude politiquement correcte, pour recevoir l’aumône de la part des passants
sourds et aveugles qui avançaient sur des skates munis de bâtons de ski et
accompagnés de serpents à clochettes. Le clapotis de leurs babines retroussées attira
un grand nombre de grenouilles orphelines venues avec des parents dépareillés.
La neige commença à monter et je décidais de rentrer ma tête entre les épaules
d'une charmante voisine qui m'encouragea à continuer une descente privée. En
arrivant au départ de l’arrivée j'ai rencontré mon train arrière sur une voie de secours
qui sifflait à mort et pleurait de joie. J'ai mangé un croissant de lune rousse et j'ai 58
réveillé le poète qui s’agitait en moi en déchirant le signal d'alarme.
Une chauve-souris, ancienne sœur des pauvres très connue du canal auditif,
interprétait un quatrain extraterrestre, d'une ravissante beauté absente :
« Arrivée à pied aux cieux elle jeta ses mains au feu. Dans les flammes blêmes de
glace, les cendres affligées d’amour tombèrent lentement en grâce.
Nos adieux devinrent doux et nous bûmes du vin bleu pour trois ronds et quelques
sous.
Pas assez, dit le hibou ! Mangez-moi ! cria le fou. »
Giorgio Aspericube