Page 59 - IHEDATE - L'annuel 2017
P. 59

Les territoires et le monde
59
La monnaie unique en sursis
Francesco Saraceno
Docteur en économie (Universités de Rome et de Columbia), chercheur à l’OFCE. Il enseigne la théorie macroéconomique européenne et internationale à Sciences Po Paris.
Dernière publication : L’économie à l’épreuve des faits, RB Edition, 2017.
La zone euro est minée par les divergences entre économies nationales, que la crise a fortement renforcées. Promouvoir la conver- gence est une question de survie pour la monnaie unique.
L’Europe sort à peine d’une crise de presque une décennie, qui a fortement renforcé les divergences entre les territoires. Celles-ci préexistaient à la crise, mais elles ont été exacerbées par les politiques menées tant dans les pays de la « périphérie » en crise que dans les pays du « centre » de la zone euro. Le débat de ces derniers mois sur la réforme de la zone euro porte sur les institutions les plus adaptées pour éviter que, face à un nouveau choc, un nouveau processus de divergence ne conduise à la dissolution de la zone.
La crise commencée en 2007 est une crise de surendettement du secteur privé. Ayant appris les leçons de la grande récession des années 1930, les autorités des pays avancés et émergents ont secouru le secteur bancaire puis mis en place des plans de relance ; la dette publique a donc augmenté de manière signi cative. À partir de 2010, la narration de la crise a changé, et l’attention s’est
focalisée sur la dette publique, oubliant un secteur privé qui était encore fragile. Ceci est particuliè- rement vrai en Europe, où la crise grecque, et la contagion qui s’en est suivie, ont été gérées comme si l’irresponsabilité budgétaire était généralisée, et source ultime de la récession. On a vite oublié que la dette grecque était seulement le déclencheur d’une crise de balance de paiements, issue d’une décennie de développements divergents : excès de demande (et déficits commerciaux) pour les pays de la périphérie, qui se sont endettés auprès des pays du centre qui eux avaient un excès d’épargne.
L’ajustement aurait dû être symétrique, en réduisant les excès de demande comme les excès d’épargne. Mais l’austérité généralisée et les « réformes structurelles » ont plongé la zone euro dans une deuxième récession.
Alors que la crise semble en n être derrière nous, les économies de la zone euro sont aujourd’hui encore plus diverses qu’elles ne l’étaient en 2007. La récession prolongée a eu des effets permanents sur le potentiel de croissance des pays du sud, dont la capacité productive est durablement diminuée.


































































































   57   58   59   60   61