Page 60 - IHEDATE - L'annuel 2017
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Les pays du centre, et notamment l’Allemagne, ont au contraire joui d’un afflux de capitaux, et ont prospéré en accumulant des excédents commerciaux encore plus élevés (l’excèdent commercial allemand représente aujourd’hui plus de 8 % de son PIB, en violation  agrante, et impunie, des indica- teurs de déséquilibre macroé- conomique mis en place par la Commission).
Le constat est donc sans appel : la zone euro a manqué de mécanismes efficaces pour enrayer la divergence avant la crise, et depuis 2010 elle a mis en place des politiques qui l’ont exacerbée.
Si on ne veut pas que la prochaine crise mène à l’éclatement de la zone euro, il faut enfin mettre en place des mécanismes, si possible automatiques, capables d’estomper les divergences chaque fois que les pays de la zone sont confrontés à un choc asymétrique (ou réagissent différemment à un choc commun). Toute proposition de réforme doit être évaluée par rapport à cet objectif capital.
Deux approches se confrontent aujourd’hui : la première voit dans les faiblesses de quelques pays membres la source de la crise, et dans l’élimination de ces faiblesses la clé pour éviter des nouveaux dérapages (et la contagion associée). C’est la vision sous-jacente aux politiques menées depuis 2010 : une fois que les pays « déviants » auront « fait leurs devoirs » (une expression utilisée par Angela Merkel) en remettant leurs comptes publics
L’AUSTÉRITÉ GÉNÉRALISÉE A PLONGÉ LA ZONE EURO DANS UNE DEUXIÈME RÉCESSION.
en ordre, les marchés, supposés ef cients, assureront la conver- gence et résorberont les chocs. À ce cadre conceptuel s’oppose une vision qui réfute que les marchés puissent toujours absorber les chocs et les forces centrifuges. Un effort de coordination des politiques nationales et des outils communs sont nécessaires, pour « partager le risque » posé par les chocs asymétriques. La discussion sur les prérogatives du ministre des Finances de la zone euro est en ce sens paradigmatique. D’un côté, les partisans de la réduction du risque dans chaque pays voient ce ministre comme un gardien de la discipline budgétaire des États, en complément (ou en substitution) d’une Commission souvent jugée trop laxiste. De l’autre, les parti- sans du partage des risques le voient en institution qui coordonne les politiques (fortement différen- ciées) des différents pays et qui, doté d’un budget propre, pourrait
se charger de la fourniture des « biens publics européens » avec un œil sur la stabilité de la zone euro dans son ensemble.
La théorie de l’efficacité des marchés a été plusieurs fois, ici et ailleurs, désavouée. Il est donc nécessaire que la future architec- ture de la zone euro prévoie des formes de partage du risque.
Au regard de ce constat, il faut désormais prendre position dans le débat en cours.
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© Sophie Knapp


































































































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