Page 6 - IHEDATE - L'annuel 2017
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HIER TERRE D’ÉMIGRATION, LE MAROC EST DEVENU ÉGALEMENT UNE TERRE D’IMMIGRATION.
voire une sécession des grandes métropoles, ra ant les béné ces de la mondialisation et laissant derrière elles les autres territoires. Les élections présidentielles américaines, le Brexit au Royaume-Uni peuvent se lire comme une revanche des territoires non métropolitains contre les grandes villes, les villes côtières américaines dans le cas du vote Trump, ou Londres dans le cas du Brexit. En France, cette fracture est moins évidente dans les résultats sortis des urnes, mais elle s’exprime dans la perception d’une « France périphérique » , abandonnée par les élites mondialisées. Si l’on peut récuser cette dichotomie simpliste, on ne peut fermer les yeux sur les forces puissantes qui - de la globalisation des chaînes de valeur
Voir Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2015.
qui disloque les complémentarités territo- riales à la concurrence  scale qui affaiblit les mécanismes de solidarité – posent de redou- tables dé s à la cohésion des territoires.
Mais le marché globalisé n’est qu’un aspect du monde. Les  ux de personnes ouvrent un autre registre, celui de l’identité du territoire face à l’altérité. Cette  gure est plus rassu- rante pour l’idéologie territoriale, parce qu’elle est régulée par les frontières politiques. Une ambivalence fondamentale a toutefois été bien soulignée lors de la première session : autant les frontières sont poreuses et faciles à franchir pour le touriste, autant elles sont le plus souvent hérissées face au migrant. La crispation sur la frontière opposée à l’immigré vient peut-être de ce qu’il offre une dernière occasion au territoire de mettre en scène son intégrité, sa souveraineté non partagée. Au contraire, si le touriste est bienvenu, c’est qu’il n’est pas perçu sur le mode de l’altérité, mais sur celui du marché : son appareil photo et son argent suf sent à en faire un semblable, un consommateur auquel il faut savoir «vendre» l’identité du territoire pour qu’il y dépense ses devises.
Le migrant est pourtant lui aussi une ressource pour le territoire, tant pour celui qu’il quitte que pour celui où il s’installe, par le rôle fondamen- tal de liaison qu’il assure. Le nord du Maroc, où s’est déroulé la mission d’étude 2017, offre à cet égard un double visage passionnant : après avoir longtemps été une terre d’exil, il est aujourd’hui réinvesti par les Marocains résidant à l’étranger, et devient en même temps une terre d’accueil pour les réfugiés venus d’Afrique subsaharienne. Ces  ux de population contri- buent à renforcer la vocation du Maroc comme « pont » entre l’Europe et l’Afrique.
Alors que les  ux de personnes restent étroi- tement contrôlés, la circulation massive des  ux d’information et de données paraît ouvrir
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© Sophie Knapp


































































































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