Page 7 - IHEDATE - L'annuel 2017
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Les territoires et le monde
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l’espace ubiquitaire d’une mondialisation sans friction. La troisième  gure du monde, celle du réseau informationnel, semble de prime abord a-territoriale : la promesse d’internet, c’est d’amener, où que l’on soit, le monde entier sur notre écran.
En réalité, le web connecte avant tout des personnes proches dans l’espace, avec des effets spatiaux puissants : des effets positifs, quand la mise en réseau fait surgir les ressources d’un territoire, mais aussi des effets pervers, quand de grandes  rmes telles que Google, Amazon, Uber ou Airbnb aspirent les données et, avec elles, la valeur et les capacités de régulation. La « ville intelligente » pourrait bien être une ville où l’information a quitté le territoire, le privant de la capacité de se gouverner. Le risque de dissolution politique est particulièrement aigu pour l’Europe qui, à la différence des États-Unis et de la Chine, n’a pas su faire grandir de grandes  rmes du numérique.
La dernière grande  gure du monde relève d’un tout autre registre. Alors que le marché et le réseau s’inscrivent dans l’horizon d’une croissance indé nie, la crise écologique suscite la prise de conscience d’une planète  nie et vulnérable, qui est notre bien commun. Tous les territoires y participent, ils constituent et façonnent la planète, dont ils subissent en retour les mutations.
LE MONDE ENTIER SUR NOTRE ÉCRAN
MARSEILLE. LE MONDE EST DANS LES TERRITOIRES.
L’urgence climatique oblige à penser la solidarité entre les territoires et l’articulation des échelles. Les limites de la biosphère imposent de parvenir à une répartition entre territoires des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour limiter le réchauffement, il faudra bien se mettre d’accord sur les principes d’une justice climatique, qui est une justice spatiale. Cette logique descendante, depuis les objectifs globaux à décliner localement, se combine avec une logique ascendante partant des initiatives locales. Celle-ci remet les terri- toires en selle, leur redonne une pertinence, une légitimité, une responsabilité globales. Et ce, à toutes les échelles. Les États ne sont plus les seuls acteurs autour de la table. Les collectivités, les entreprises, peuvent aussi prendre des engagements. C’est ce qui permet d’espérer que l’accord de Paris ne reste pas lettre morte malgré la défection des États-Unis.
Au terme de ce cycle, nous pouvons af rmer qu’il n’y a pas de relation univoque entre les territoires et le monde. Il existe de multiples manièresde«fairemonde». Cequiestcertain, c’est qu’aucun territoire ne peut aujourd’hui prétendre être un monde clos. C’est en renfor- çant les coopérations et les échanges que chacun peut devenir acteur des dynamiques globales, plutôt que de les subir en victime impuissante.
© Sophie Knapp
© Sophie Knapp


































































































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