Page 67 - IHEDATE - L'annuel 2017
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Réseaux et territoire :
le paradoxe des effets structurants
Les territoires et le monde
Michel Savy
Professeur émérite à l’université Paris Est (École d’urbanisme de Paris, École des Ponts).
Dernière publication : Le transport de marchandises. Économie du fret, mana- gement logistique, politique des transports, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2017.
Les infrastructures relèvent des « conditions générales de la production », éléments préalables sans lesquels le développement économique est ralenti voire empêché. Le nancement public des infrastructures se justifie par les effets de développement qu’il autorise.
Le lien entre développement et transport opère par l’inter- médiaire du territoire. L’exten- sion du système de transport s’ est longtemps inscrite sous la rubrique de l’ « effet structurant des infrastructures » : la dotation d’une région avec une infrastruc- ture nouvelle la rend plus acces- sible, plus attractive pour les
capitaux extérieurs, elle abaisse les coûts de ses consommations et de ses productions, facilite ses importations et ses exportations. Elle contribue donc à son dévelop- pement, voire le déclenche.
L’ argument ayant été utilisé au-de- là du raisonnable, une polémique s’ est ouverte sur la pertinence de la notion même d’ effet structurant. Il est aujourd’ hui admis que, dans un pays déjà largement équipé, une infrastructure additionnelle ne déclenche pas à elle seule le développement d’ une région. Elle en renforce la possibilité dès lors que des projets susceptibles d’ en tirer parti, et des acteurs pour les promouvoir, se mettent en place. L’ infrastructure est une condition nécessaire, mais non suf sante, du développement économique.
Modèle de production et système de transport
La congruence territoriale du système de transport et du système économique s’observe, à larges traits, pour chaque phase que découpe la succession des modèles productifs. La phase d’expansion des années 1970 - la diffusion de la production fordiste - fut une phase de réallocation
et division spatiale des activités industrielles. Elle n’aurait pas été possible sans une évolution adéquate du système de transport (infrastruc- tures et services). La phase actuelle de production exible est marquée par la mondialisation et la métropo- lisation des activités. Elle s’appuie sur une organisation en réseau où les moyens de communication, parmi lesquels le transport de fret et la logistique, jouent un rôle primor- dial. Un nouveau modèle émerge aujourd’hui, avec la nécessaire transition énergétique et la diffu- sion des techniques numériques, où le transport sera fortement touché par les transformations d’ensemble et y contribuera en retour.
Une vision de long terme
Cette relation de congruence entre infrastructure et territoire n’est pas pour autant un phénomène simple. Dans un premier temps, la rareté des équipements nouveaux leur confère un réel pouvoir struc- turant sur le territoire. Toutefois, au fur et à mesure que les réseaux se développent, leurs effets se nuancent. À leur mise en service, ils drainent un volume croissant de marchandises et jouent pleine- ment leur rôle dans le modèle de production en place.