Page 10 - IHEDATE l'annuel 2015

Le renouveau du religieux se fait à partir de l’individu
Enfin, un troisième point surprend les sociologues : ce retour du religieux ne s’accompagne pas d’un retour massif des fidèles dans les lieux de culte traditionnels. Ils observent au contraire une dispersion de la scène religieuse en de multiples petits phénomènes communautaires.
Autant d’éléments qui vont conduire à produire une nouvelle description sociologique que Danièle Hervieu-Léger a appelé « la modernité religieuse ». Ce nouveau paradigme s’organise autour de différents points de repères. Premier point fondamen- tal, ce renouveau du religieux se fait à partir de l’individu. Il y a une individualisation du croire. Chacun se fabrique son propre petit récit personnel de croyant, faisant passer au second plan le problème de la conformité aux vérités à croire dont sont porteuses les différentes traditions religieuses. Ces récits personnels s’inscrivent dans une pluralisation du paysage religieux dans un monde de plus en plus globalisé. Cette pluralité est induite, surtout en France, par les mouvements migratoires. S’il y a toujours eu des musulmans en France, ce qui est nouveau à partir des années 1970, c’est qu’on peut identifier une véritable population musulmane au sein de la population française. Mais cette pluralité n’est pas due uniquement à des apports venant d’autres pays. Internet a amplifié ce phénomène et aujourd’hui, le religieux se fabrique en grande partie à travers les réseaux sociaux.
Enfin, Danièle Hervieu-Léger relève que paradoxalement, il y a une forte attente à faire commu- nauté, à faire sens ensemble. Les individus qui sont porteurs de leur récit croyant ont besoin de rencon- trer d’autres individus capables de leur dire : «Ce qui fait sens pour toi fait sens pour moi». Il y a un impératif à la validation du croire. Pendant des siècles, cette valida- tion était prise en charge par les institutions. Elles disaient ce qu’il fallait croire. L’individualisation du croire a engendré une proliféra- tion communautaire qui échappe complètement au contrôle des appareils institutionnels.
A partir de cette nouvelle confi- guration de la scène religieuse, Danièle Hervieu-Léger a développé deux figures de description, celle du pèlerin et celle du converti. Le pèlerin est un individu qui chemine, qui visite, qui teste la méditation transcendantale, le tai-chi, et qui va trouver dans une communauté charismatique un lieu où stabiliser sa quête religieuse et « poser ses valises ». Mais celui qui pose ses valises, c’est aussi le converti qui choisit la famille spirituelle avec laquelle il se sent en affinités.
Ces deux figures sont étroitement corrélées. Le pèlerin qui cherche sa voie, qui ne sait pas où sa quête va le mener, peut devenir un converti. Et il le devient souvent. De même, le converti peut redevenir un pèlerin parce qu’on peut se convertir plusieurs fois, comme les parcours de convertis le montrent très clairement.
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