Page 45 - Annuel 2018
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Territoires, santé, bien-être
45 édition 2018
ALORS QUE LES ÉTATS-NATIONS SE TRANSFORMENT, ENTRE INTÉGRATION COMMUNAUTAIRE ET MONTÉE DES POUVOIRS TERRITORIAUX, LA GOUVERNANCE DES ÉTATS-PROVIDENCE
ET DES SYSTÈMES DE SANTÉ EN EUROPE EST UN TERRAIN RICHE POUR OBSERVER
LES NOUVEAUX MODÈLES D’ACTION PUBLIQUE.
Les divergences entre territoires observables en France, en Europe, mais plus encore en Chine ou aux Etats-Unis, se révèlent à travers les écarts de richesse, les comporte- ments et les dynamiques sociales. Pour Patrick Le Galès, elles témoignent du fait que, pour les États, «l’énergie uni catrice» territoriale n’est pas ou n’est plus une priorité. L’Etat a perdu le monopole de l’autorité politique. Il est désormais en concurrence avec des institutions supra- nationales, comme l’Union européenne, des pouvoirs locaux, des entreprises privées. Dès lors, qui exerce l’auto- rité politique et comment faire des politiques publiques ?
En miroir à ces interrogations, Patrick Le Lidec offre un éclairage sur les politiques de recentralisation  nancière et les recompositions de l’architecture territoriale en France et en Europe. Après un long cycle de décentralisation débuté dans les années 1970, on assiste depuis le début des années 2000 à deux phénomènes qui ont fortement transformé les pouvoirs locaux. Des politiques de renfor- cement de la coordination budgétaire et  scale ont été imposées par les pouvoirs centraux aux pouvoirs locaux. Et des réformes des structures territoriales leur ont également été imposées dans les pays de l’OCDE. Ces politiques ont eu un impact différent selon les pays européens.
Dans l’Union européenne toujours, la santé et son  nance- ment relèvent de la compétence de chaque État membre. Pourtant Henri Lewalle montre que la coordination des systèmes de Sécurité sociale constitue un instrument de droit social international qui favorise la mobilité des travailleurs et des citoyens au sein de l’Union européenne. Les coopérations entre États dans le domaine de la santé sont encouragées par des dispositifs européens
ayant pour origine la jurisprudence de la Cour de justice européenne. Leur développement incarne l’impact positif de l’Union européenne et permet une recon - guration des fonctions collectives dans des territoires frontaliers traversés par des découpages historiques.
En France, les conditions d’exercice professionnel en milieu hospitalier ont radicalement changé du fait de mouvements de fond qui touchent l’hôpital lui-même, les soignants et le rapport de la société avec l’univers hospitalier. Selon Aurélien Rousseau, ces évolutions sont en grande partie restées dans l’angle mort des politiques de ressources humaines. Elles sont pourtant porteuses d’opportunités, notamment pour mieux prendre en charge les patients dans une dynamique de parcours et pour repenser l’inscription territoriale de l’hôpital.
Si la santé est devenue la première préoccupation des Français, des chiffres alarmants restent pourtant hors du débat public : on estime que chaque année se déclarent entre 14 000 et 30 000 nouveaux cas de cancers profes- sionnels. Face à ce silence, Emmanuel Henry s’interroge : n’est-il pas surprenant que l’activité économique soit la cause de milliers de malades et de morts et que personne n’en parle ? Comment expliquer qu’à l’exception du scandale de l’amiante, la question des substances toxiques soit éludée ? Le sociologue observe que les instruments et les dispositifs de gestion des risques professionnels sont aujourd’hui conçus par et pour des experts, rendant leur appropriation par les représentants salariaux et par les citoyens très dif cile. Devenus invisibles par mécon- naissance, voire par production volontaire d’ignorance scienti que par les industriels, ces risques disparaissent des radars, et c’est l’inaction publique qui l’emporte.
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