Page 47 - Annuel 2018
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Territoires, santé, bien-être
47 édition 2018
«Le management
doit entrer à l’hôpital»
Quel est votre constat sur la situation actuelle ?
En 2018, la santé est devenue la première préoc- cupation des Français, devant le chômage et la sécurité. Cette préoccupation est structurée autour d’un très fort paradoxe. Alors que les Français ont la certitude qu’ils sont très bien soignés, ils ont aussi le sentiment que notre système de santé est en train de s’effondrer, qu’il est à bout de souf e. Si nous savons très bien réparer les gens en France, nous savons assez mal les soigner face à la maladie chronique et à la dépendance. Dans ce paysage, deux marqueurs forts apparaissent comme les symptômes des dif cultés du système : la situation des urgences et les déserts médicaux.
PORTES OUVERTES À L’HÔPITAL EUROPÉEN GEORGES-POMPIDOU. DEPUIS 2014, LA SANTÉ EST LA PREMIÈRE PRÉOCCUPATION DES FRANÇAIS.
Quel regard portez-vous
sur ce tableau assez sombre ?
D’abord, nous sommes dans un système qui est davantage en situation de transformation que d’effondrement. Ensuite, je suis convaincu que cette transformation du système de santé ne peut aboutir qu’à travers la question des soignants. Beaucoup s’interrogent sur leur travail et ils sont de plus en plus nombreux à le dire : « Ce qu’on fait n’a plus aucun sens». En n, cette transformation n’est actuellement pas nommée. Le système de santé a connu une complexi cation croissante qui ne s’est pas accompagnée de ré exions sur la gouvernance et certains mots n’ont pas franchi la porte de l’hôpital. Notamment le mot «manage- ment public ». Aujourd’hui, la complexité de notre système repose entièrement sur l’acteur de base, c’est-à-dire le patient. Il n’y a pas de parcours de soin structuré à l’échelle nationale, le patient doit se débrouiller seul.
Comment qualiiez-vous
les mouvements qui ont produit ce système complexe ?
Je citerai trois grands mouvements. Première- ment, l’hôpital a radicalement changé sous l’effet puissant de la tari cation à l’activité (T2A). Elle a créé une concurrence entre hôpitaux et des inégalités de soins au niveau du territoire pour une même pathologie. Aujourd’hui, nous arrivons au bout du système de la T2A.
Le deuxième élément est la transformation de la gouvernance de l’hôpital. Concrètement se pose la question de la hiérarchie. Là où le leadership médical était omniprésent, il s’agit de donner plus de pouvoir au directeur d’hôpital. L’échelle du service va disparaître pour basculer dans une structuration par pôles, avec l’idée de pouvoir déployer de la performance médico-économique dans l’affectation des moyens. Par exemple, une in rmière qui travaille dans un service doit pouvoir basculer dans un autre service en cas de manque de personnel.