Page 48 - Annuel 2018
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Le troisième mouvement, c’est le virage ambula- toire : aujourd’hui, on soigne, on opère et les gens sortent très vite de l’hôpital. Si on se met à la place d’une in rmière ou d’un in rmier, on se rend compte que ce n’est pas seulement une question d’organisation. Avant l’ambulatoire, le métier était d’accueillir des gens malades et de les accom- pagner jusqu’à leur guérison. Désormais ils inter- viennent essentiellement dans la phase aiguë. Les patients ne sont pas totalement guéris lorsqu’ils quittent les murs de l’hôpital. Cela change radica- lement la conception même du métier. L’in rmière ou l’in rmier doit pouvoir se mettre en contact avec les professionnels de la ville qui vont prendre le relais et savoir communiquer avec eux.
Selon vous, qui est le plus touché par ces transformations, les patients ou les soignants ?
A mes yeux, ce sont beaucoup plus les soignants que les patients. Il n’y a pas eu de dégradation majeure des soins pour les patients. Il me semble que la transformation du système de santé ne peut pivoter que sur les soignants, à travers cinq nœuds, cinq enjeux majeurs.
LES CONDITIONS D’EXERCICE PROFESSIONNEL
EN MILIEU HOSPITALIER ONT RADICALEMENT CHANGÉ DU FAIT DE MOUVEMENTS DE FOND QUI TOUCHENT LES SOIGNANTS ET L’HÔPITAL LUI-MÊME.
Le premier sujet concerne le binôme autonomie/ équipe. Le sentiment profond des soignants, c’est que la notion d’équipe s’est diluée à l’hôpital, qu’ils sont seuls face à la maladie et la douleur et que dans le même temps, leur exercice est devenu très standardisé. Ils doivent retrouver une autono- mie dans la sécurité : les aides-soignants et les in rmiers font des choses qu’ils ne devraient pas faire. Ils le font avec un sentiment d’insécurité mais pour répondre à la douleur des patients.
Le troisième sujet est dif cile à articuler à l’hôpital, c’est la question du management. Il faut donner de la légitimité à la fonction managériale à l’hôpital. Il faudrait pouvoir dire à quelqu’un qui veut être chef de service ou chef de pôle : «On va évaluer vos compétences managériales et on va vous former pour ça. Et dans trois ans, avant de vous renouveler, on évaluera l’exercice de la
Le deuxième sujet est le sentiment d’inéquité : c’est toujours le même qui vient faire les gardes le dimanche ou la nuit. Dans les retours que j’ai eus lors de cette mission, les mêmes propos reviennent souvent : ceux qui ne font rien ne sont jamais sanctionnés et ceux qui travaillent ne sont pas reconnus ni encouragés  nancièrement. Cette indifférenciation est désormais perçue comme inéquitable.
compétence managériale. » Ça
évident mais aujourd’hui, à l’hôpital public, ça n’existe pas. Et le management, cela n’implique pas que les médecins. C’est aussi l’encadrement intermédiaire, c’est-à-dire les cadres de santé. Actuellement, ces professionnels occupent 80 % de leur temps à tenir un tableau de garde qui pourrait être géré par des outils numériques.
Le quatrième sujet porte sur la question des parcours et de la mobilité. Les soignants n’ont aucune idée de ce qu’ils peuvent faire en termes de mobilité. Et dans de nombreux cas, la mobilité passe par un renoncement. Si une in rmière
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© Sophie Knapp


































































































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