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 La question de l’Homme augmenté n’est donc pas nouvelle mais elle prend aujourd’hui une autre dimension en raison de la puissance des moyens technologiques en perspective.
L’UNIVERSALISME TRADITIONNEL
Traditionnellement, l’humanisme tend, en principe, à rassembler l’ensemble des humains dans une même communauté humaine sans aucune exclu- sion autour de quelques valeurs fondamentales comme la liberté, les droits humains, l’égalité, l’état de droit, la démocratie, la dignité, le respect de l’autre, la tolérance, la fraternité... Il est générale- ment entendu que ces valeurs fondamentales et cet universalisme sont des repères intellectuels, des objectifs vers lesquels il faut tendre à partir d’un monde réel très divers qui est loin d’y correspondre complètement. Ainsi, en France, il faudra attendre la révolution de 1948 pour que l’esclavage soit aboli et 1944 pour que les femmes puissent participer au suffrage universel.
Dans cette vision traditionnelle et théorique, l’uni- versel concerne et se limite à l’humanité, aux droits individuels et aux rapports entre individus ou groupes au sein de la communauté humaine.
L’INCIDENCE DE LA CRISE ÉCOLOGIQUE
Depuis les années 1970, la crise écologique est de- venue évidente. La communauté scientifique par ses travaux atteste d’un réchauffement climatique, d’une régression de la population de certaines es- pèces vivantes, d’une pollution préoccupante de l’air, de l’eau et des sols, de l’épuisement de cer- taines matières ; tout cela étant la conséquence de l’activité humaine et notamment économique. La situation est telle que la question se pose au- jourd’hui de savoir si l’espèce humaine ne serait pas devenue elle-même une espèce invasive et finale- ment nuisible pour l’existence et la survie de l’en- semble du monde vivant.
Cette crise environnementale appelle des réponses concrètes urgentes quant à nos modes de produc- tion et de consommation mais elle nous interroge aussi plus largement sur notre vision globale du monde et de la vie fragilisant dans une certaine me- sure nos valeurs fondamentales. La philosophie des Lumières n’a pas vraiment remis en cause la hié- rarchie entre l’humanité, les animaux et les plantes issue du christianisme et de la genèse en particu- lier. Elle s’est contentée de redéfinir l’Homme et les rapports entre les humains. Mais l’extraordinaire puissance transformatrice de notre technologie nous amène à réviser aujourd’hui notre rapport à la nature prise dans sa globalité.
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UNIVERSALISME, HUMANISME ET ÉCOLOGIE
1.2.
LES CLÉS MAÇONNIQUES POUR UN FUTUR PLUS HUMANISTE ET ÉCOLOGIQUE
Il devient urgent de ne plus considérer la nature comme une simple ressource inerte dans laquelle nous pourrions puiser sans fin pour satisfaire nos moindres désirs et lubies.
Notre activité notamment économique modifie et perturbe les conditions de vie des éléments natu- rels dont l’humanité elle-même qui développe des maladies plus ou moins bénignes ou graves mais aussi mortelles (cf. Covid-19).
POUR UN UNIVERSALISME AUGMENTÉ
Il n’est pas question ici de remettre en cause l’hu- manisme mais de sortir d’un humanisme autocen- tré pour en étendre le concept à la relation entre les humains et le reste du monde vivant. A l’âge de l’an- thropocène, il ne doit plus être question d’une hu- manité super puissance impérialiste, hégémonique sur l’ensemble du vivant mais d’une humanité res- ponsable du futur du vivant. L’universalisme doit être étendu à l’ensemble du vivant. Ce n’est pas que la question des rapports entre les individus, les peuples, les classes sociales n’est plus d’actualité, cela signifie simplement qu’un nouveau sujet de préoccupation majeur est apparu : la relation de l’humanité au reste du vivant. Cette extension n’est pas sans risque. Les questions sociales ne vont- elles pas être dorénavant négligées ? Les humains sont omnivores ; dès lors comment définir le res- pect vis-à-vis des animaux et des plantes sans por- ter atteinte au concept de respect entre les humains ? Aujourd’hui est clairement posée la question de la mise en place d’un droit de l’environnement, de droits de la nature comme il existe des droits hu- mains. A côté du concept de génocide ne devrait-on pas reconnaître l’existence d’écocides ? La nature doit-elle être conservée et développée pour elle- même ou pour simplement répondre aux besoins de l’humanité ?
Toutes ces questions -et bien d’autres- ne sont pas de simples sujets d’élucubrations pour humanistes et intellectuels prétentieux et désœuvrés, mais, des réponses qui y sont apportées à court terme dépend le futur du vivant dont celui de l’humanité menacé par des transformations si rapides et si profondes de notre milieu que la vie sur terre s’en trouve chamboulée et menacée faute de réussir à s’y adapter. ••••••
 Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P40
1.2.5. DE H+ À U+ // DE L’HOMME AUGMENTÉ À L’UNIVERSALISME AUGMENTÉ

















































































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