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UNIVERSALISME, HUMANISME ET ÉCOLOGIE
1.1.
LA RÉFLEXION MAÇONNIQUE SUR LA CRISE ÉCOLOGIQUE
Si certes Descartes veut « le bien de tous les hommes », et même si la formule est prise dans un sens excessif, elle traduit une représentation que la révolution thermo-industrielle vont porter au pa- roxysme, celui que nous connaissons aujourd’hui. Le mythe prométhéen semble s’accomplir. N’ou- blions pas que l’état des connaissances sur les réa- lités naturelles est bien faible aux XVIIe et XVIIIe siècles ; botanique, zoologie, paléontologie, géolo- gie balbutient alors que la géographie reste des- criptive.
La nature pourtant est évoquée, non pas celle de la Biosphère mais celle de l’Homme. Le 18e siècle, est le siècle où nait et se met en place la franc-maçon- nerie ; c’est aussi le siècle des Lumières prolon- geant l’Humanisme de la Renaissance. De grands questionnements abordent surtout la nature de l’Homme et ses valeurs, ainsi que la quête du sys- tème politique le plus adéquat. Deux grands philo- sophes vont faire naître l’idée de contrat social. C’est d’abord le philosophe anglais du 17e siècle, Thomas Hobbes. Pour lui, l’homme n’est pas un animal politique, mais un individu asocial, dont les passions sont susceptibles de mener à un massacre général quand chacun exerce le droit naturel d’être lui-même. Pour échapper à ce risque barbare, Hobbes préconise de mettre en place un contrat so- cial basé sur un ensemble de contraintes comman- dées par la raison pour assurer à l’homme sa bonne conservation. Ce message va satisfaire tous ceux qui ne supportant plus les guerres religieuses em- brassant les îles britanniques au 17e siècle aspirent à la paix à la concorde universelle, particulièrement dans les premières loges spéculatives. Un siècle plus tard c’est le philosophe JJ Rousseau qui publie en 1762 publie l’ouvrage « Du contrat social ou prin- cipes du droit politique ». Il part d’un postulat in- verse. L’homme par nature est bon, il souhaite un système politique basé sur un gouvernement légi- time recourant à des valeurs de justice, de paix et d’équité. Quid de la nature ? Certes Jean Jacques Rousseau idéalise la nature, mais c’est une repré- sentation mythique. Ces deux grands discours cherchant à mettre en place ce contrat social vont
dominer une large partie des débats politiques du 18e siècle au 20e siècle et en particulier des orien- tations maçonniques. Mais toujours pas de préoc- cupation naturelle ni environnementale.
AMORCE DE CHANGEMENTS DE PARADIGME, AUX XIXE ET XXE SIÈCLES :
Au XIXe siècle, les références vont progressivement changer. Le rapport à la nature va connaître des bouleversements. Alors que les découvertes se multiplient, que les connaissances progressent, des géographes, des botanistes font entrer dans le vo- cabulaire les idées de milieu naturel et d’écologie. Un moment essentiel correspond aux révélations de Charles Darwin qui avec son ouvrage magistral « De l’origine des espèces » en 1859, ouvre à la bio- logie d’énormes perspectives. L’homme n’est plus le centre de la création, il relève du règne animal. Le principe de la création est totalement bouleversé. Ses implications sont nombreuses, touchant la bio- logie bien sûr, mais aussi la religion, la sociologie, la politique et les idéologies. Une conséquence en FM est manifeste. Depuis la révolution galiléenne puis le siècle des Lumières et surtout les révéla- tions de Charles Darwin, la référence au GADLU ne résiste guère. Le GODF en prend acte en suppri- mant cette référence en 1877 et en intégrant la phrase suivante dans l’article 1 de la constitution « Elle a pour principes la liberté absolue de conscience et la solidarité Humaine » ; malgré l’opposition de 35 % des loges lors de ce Convent.
Parallèlement des scientifiques de tout bord ont perçu les dérives de la révolution thermo -indus- trielle ou se sont émus des dégâts causés à la na- ture. D’autres à l’image de l’École Américaine se sont engagés dans l’idée de protéger les « espaces sauvages ». En parallèle les colonnes de nos loges connaissent une mutation de leur composition so- ciologique avec l’arrivée de libres penseurs, d’intel- lectuels, d’instituteurs, les « couches nouvelles » selon Gambetta. Certains seront à l’avant-garde du combat pour la laïcité et la démocratie. D’autres se préoccuperont du devenir de nos milieux naturels. Élisée Reclus est l’un de ceux-là. Ce célèbre géo- graphe, un temps marginalisé pour ses idées poli- tiques, fut un éveilleur à ces préoccupations. Dans son petit ouvrage Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes il fait le constat que « puisque la nature est profanée par tant de spéculateurs (...) Il n’est pas étonnant que les agriculteurs et les in- dustriels négligent de se demander s’ils ne contri- buent pas à l’enlaidissement de la Terre » ou « A travers la nature, c’est encore et toujours l’homme qu’il s’agit de protéger, fût-ce de lui-même lorsqu’il joue les apprentis sorciers ». Célèbre est son apho- risme contenu dans l’exergue de « L’Homme et la
 Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P21
1.1.3. RÉCIT D’UNE HISTOIRE DE LA RELATION NATURE ET HUMANITÉ EN FRANC-MAÇONNERIE























































































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