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DES CHOIX ÉNERGÉTIQUES À L’HUMANISME ÉCOLOGIQUE, RÉÉCRIVONS NOS RÉCITS FONDATEURS
2.2
« DU CÔTÉ DES HUMAINS »
C’est le professeur Stone qui avant l’appel a rédigé un article pour demander que soient attribués des droits légaux aux forêts, aux océans, aux rivières, et à tous les objets qu’on appelle « naturels » dans l’environnement, voire dans l’environnement tout entier. Il souhaitait que la Cour considère « le Parc en tant que tel » comme une personne juridique ; la notion de nature ayant des droits devait bien faire alors une différence opératoire considérable.
Ainsi il apparaissait clairement selon le professeur, que le temps des droits de la nature était venu après ceux des enfants, des femmes, des noirs, des in- diens, etc... Le professeur Stone part en effet du principe qu’il faut remettre en cause la tradition de l’humanisme moderne, dans laquelle l’humanité seule dispose d’une personnalité juridique.
Il ressort au fond de ces affirmations que même en l’absence d’intérêt direct, il devrait être possible d’intenter des procès aux grands pollueurs. C’est sans doute une bonne nouvelle, tempérée toutefois par le fait que les philosophes de « l’après-huma- nisme » développent en réalité une vision prémo- derne du monde où les êtres de la nature retrouvent leur statut de personne juridique. Ainsi l’huma- nisme se trouve du coup mis entre parenthèses.
C’est dans cet esprit que la Commission de réforme des lois, fondée au Canada en 1971, a publié un rap- port intitulé « Des crimes contre l’environnement ». Cette dernière avait recommandé d’ajouter au code criminel un délit nouveau et spécifique contre les actes qui « portent sérieusement atteinte à une va- leur fondamentale de la société, à savoir le droit à un environnement sain... ».
Mais, et c’est sans doute une clef donnant la solu- tion au problème que pose l’écologie dite profonde ; la Commission considérait que « le champ d’un code criminel portant sur les délits contre l’environ- nement ne doit pas aller jusqu’à protéger ce dernier en tant que tel, indépendamment de valeurs, de droits, et d’intérêts humains ».
C’est donc le camp de l’environnementalisme qu’elle avait choisi contre l’écologie profonde. La Commission s’en tenait au cadre de l’humanisme classique.
Mais, les tenants de l’écologie profonde protestent estimant que cet humanisme classique considère l’environnement comme quelque chose de périphé- rique et que son concept est fondamentalement pé- joratif. Dans cette philosophie la défense de l’envi- ronnement ne paraît être pensée en réalité qu’en termes d’utilité pour les hommes ; il n’est qu’une valeur sociale et non une chose possédant une va- leur intrinsèque ayant des droits propres.
L’écologie profonde s’oppose donc aux consé- quences, selon elle, désastreuses de la Déclaration des droits de l’homme, et prône le caractère sacré de la vie universelle, de la « biosphère ». Au total et laissant de côté la question de l’animalisme, où l’animal s’avère dans cette théorie parfois bien su- périeur à l’homme, on s’aperçoit que l’écologie pro- fonde trouve son fondement dans le holisme, qui présente la totalité comme supérieure moralement aux individus.
L’individualisme propre à la modernité occidentale ne peut être réhabilité, que si l’on considère le sys- tème écologique, l’écosphère comme une réalité dont les hommes font partie. Ces derniers sont en effet nichés en elle et totalement dépendants d’elle. Telle est selon le philosophe Stan Row la source de la valeur intrinsèque de l’environnement.
Arrivé à ce point du débat, il importe de mieux prendre en compte la question posée qui, on le voit, s’impose vraiment. La conscience humaniste propre aux Maçons est-elle ou peut- elle être écologique ? Cette conscience est éclairée par la philosophie des lumières. Les thèses de l’écologie profonde se re- trouvent au contraire dans divers mouvements ins- pirés moins par une philosophie dite occidentale que par une interprétation orientale du monde et de la vie marquée par le panthéisme ou le shintoïsme
Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P60
2.2.2. LA CONSCIENCE HUMANISTE PROPRE AUX MAÇONS, EST-ELLE ECOLOGIQUE ?